Déficit, dette, dépenses… les finances publiques vont être mises à rude épreuve cette année. Face à la récession, le gouvernement a annoncé des mesures de soutien aux entreprises et aux salariés pour tenter de limiter la casse économique et sociale. Ce premier éventail de dispositifs a été enrichi de nouvelles mesures ces derniers jours pour affronter une crise qui s’installe dans la durée. Le programme de stabilité présenté mercredi 16 avril en conseil des ministres et qui doit être envoyé dans quelques jours aux institutions européennes traduit les efforts pour tenter de surmonter l’impact du confinement. Le coup d’arrêt violent et brutal de l’économie devrait nécessiter la mise en oeuvre d’un plan de relance encore à définir. Ce qui signifie que les chiffres présentés dans le document pourraient être fortement revus à la hausse. Les dépenses actuelles servent surtout à combler les pertes entraînées par la crise en plaçant l’Etat comme assureur. La reprise va obliger le gouvernement à mettre en oeuvre une stratégie de relance complexe avec des choix à opérer. A l’issue du conseil, le Premier ministre Edouard Philippe s’est montré pessimiste.closevolume_off
“La crise sanitaire sans précédent contre laquelle nous luttons tous ensemble exige des réponses à la hauteur du choc que nous subissons. Ce choc est brutal pour les Français. Brutal par les inquiétudes face à la maladie, brutal s’agissant de l’effet sur le système hospitalier, brutal compte tenu de l’impact sur notre économie que vont avoir ce confinement et le ralentissement voire l’arrêt complet de l’ensemble des systèmes productifs des pays voisins. Devant un tel choc, il faut faire face, et nous faisons face”.
110 milliards d’euros
“Sur le plan budgétaire, alors que nous avions présenté dès la mi-mars une enveloppe exceptionnelle de 45 milliards d’euros en soutien à l’économie et au système sanitaire, nous avons porté le plan d’urgence à un total de 110 milliards d’euros” a affirmé le chef du gouvernement. La stratégie du gouvernement vise à accompagner les agents économiques au moment où ils traversent un recul de l’activité historique. Ainsi, cet arsenal comporte des reports de créances fiscales et sociales, la mise en oeuvre du chômage partiel, des prêts garantis par l’Etat et un fonds de soutien aux indépendants. Sur l’ensemble de ces 110 milliards, une grande partie, soit 42 milliards d’euros, correspondent à des dépenses budgétaires.
-9% de déficit public
La hausse des dépenses de l’ensemble des administrations publiques contribuerait à plonger le déficit public de 9% en 2020. L’essentiel de la détérioration serait liée à l’impact de la conjoncture (5,3 points). Les mesures ponctuelles et temporaires ne contribueraient que très partiellement à la dégradation du solde des finances publiques. Le solde structurel est quant à lui évalué à -2% du PIB.
Il reste malgré tout beaucoup d’incertitudes à ce stade, notamment sur les scénarios de sortie de crise même si le Président de la république Emmanuel Macron a précisé lundi dernier que le confinement allait se prolonger au moins jusqu’au 11 mai prochain. “Cette évaluation du déficit structurel a une signification très limitée elle repose sur l’évaluation du PIB potentiel pour 2020 inscrite dans la loi de programmation publiée en janvier 2018 : celle-ci pourrait être révisée en baisse à l’avenir, compte tenu de l’ampleur du choc économique de cette année et des conséquences potentiellement durables qu’il peut avoir sur les capacités de production de l’économie française”, rappelle à juste titre l’avis du haut conseil des finances publiques (HCFP).
115% de dette des administrations publiques
Selon le second projet de loi de finances rectificative (PLFR), le ratio de dette de l’ensemble des administrations publiques devrait s’établir à 115% du PIB. Là encore, de nombreuses inconnues demeurent. Compte tenu des risques qui pèsent sur la croissance et le solde public, la montagne de dettes pourrait encore augmenter. A ce stade, il est encore difficile d’évaluer le niveau des risques. Les charges d’intérêt sur la dette française demeurent relativement faibles et les capacités de la France pour emprunter sur les marchés restent favorables.
Le risque est qu’après la crise, le retour très rapide des règles budgétaires européennes entraîne une volonté de réajustement brutal des finances publiques. Ce qui pourrait une nouvelle fois plomber fortement l’activité comme en 2011-2012. Là, encore les craintes d’une austérité ont été exprimés par plusieurs économistes. Lors d’une audition devant la commission des finances de l’assemblée nationale mercredi 15 avril, Bruno Le Maire a clairement rappelé la ligne du gouvernement. “Entre la dette et les faillites des entreprises, nous avons fait le choix de la dette. Ce n’est pas un choix durable et nous savons parfaitement qu’il faudra rétablir les finances publiques sur le long terme.” En outre, de nombreuses interrogations subsistent sur le financement de cette dette. Le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’allait pas augmenter les impôts. Il pourrait cependant se retrouver face à un véritable casse-tête.
24 milliards d’euros de chômage partiel
La mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie et la fermeture d’un grand nombre d’établissements de restauration, de brasseries, de bars a obligé beaucoup d’employeurs à inscrire leurs salariés au chômage partiel. Selon un récent décompte communiqué par le ministère du Travail, plus de 8,7 millions de salariés étaient concernés par des demandes de chômage partiel formulées par 732.000 entreprises. Là encore, les sommes annoncées par le gouvernement ont gonflé passant de 8,5 milliards d’euros environ dans le premier PLFR à 24 milliards dans celui présenté cette semaine. Cette enveloppe pourrait encore augmenter avec l’allongement du confinement jusqu’au 11 mai et la mise à l’arrêt prolongée de beaucoup d’entreprises.
– 8% de croissance, une prévision optimiste pour le HCFP
Les prévisions macroéconomiques présentées dans le document budgétaire par le gouvernement semblent optimistes aux yeux des magistrats du Haut Conseil des finances publiques. “Le Haut Conseil constate que ce scénario économique repose sur l’hypothèse forte d’un retour assez rapide à la normale de l’activité, au-delà du 11 mai. Il suppose en particulier que les mesures de politique économique prises pour faire face à la crise permettront de préserver l’appareil productif et que la demande, tant intérieure qu’étrangère, ne portera pas de séquelles durables de la crise. Au total, le Haut Conseil relève que, si cette hypothèse forte ne se réalisait pas, la chute d’activité pourrait se révéler supérieure encore à celle de -8 % en 2020 prévue par le gouvernement” expliquent les auteurs de l’avis.
Là encore, le scénario de sortie de crise est soumis à de nombreux aléas nationaux et internationaux. La perspective d’une reprise vigoureuse en forme de V paraît de moins en moins crédible pour un grand nombre d’économistes. En Chine, l’activité économique est loin d’avoir retrouvée un niveau d’avant crise et de nombreux paramètres pourraient venir bousculer le rebond de l’activité. La désorganisation des chaînes de production pourrait par exemple provoquer de nombreux retards dans l’appareil productif et les stratégies de déconfinement dans chacun des pays va dépendre du bilan humain et des capacités de chaque économie à répondre aux chocs d’offre et de demande. Les craintes d’une seconde vague d’épidémie se multiplient alors que des Etats souvent montrés en exemple en Asie ont dû prendre de nouvelles mesures de restriction.