« Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d’immigrés », dit un slogan lancé dans les années 1980 et qui vient encore rythmer les manifestations anti-racistes aujourd’hui. Tous peut-être pas, mais beaucoup en tout cas. C’est ce qui ressort d’une série d’études publiées ce mardi qui confirment la diversité de la population française.
L’Insee et l’Ined ont travaillé sur les résultats de leur nouvelle enquête « Trajectoires et origines », réalisée entre juillet 2019 et novembre 2020, soit quelque dix ans après la première. Cette deuxième édition, lors de laquelle ont été interrogées près de 30.000 personnes de toutes origines, géographiques, nationales comme cultuelles, souligne la « mixité des ascendances », selon les termes de Jérôme Lê, chef de la cellule études et statistiques sur l’immigration.
Mixité des unions
Un tiers de la population française de moins de 60 ans a en effet des origines immigrées : 9 % sont nés hors de France et de nationalité étrangère, 12 % ont au moins un de leurs parents immigré et 10 % ont au moins un grand-parent étranger venu en France. Avec une répartition d’origine qui reflète les strates successives d’immigration, donc une prédominance persistante d’origines européennes qui s’accompagne d’une progression des origines africaines parmi les plus jeunes, pour les deuxièmes comme les troisièmes générations.
L’enquête confirme par ailleurs l’intégration à l’oeuvre via la mixité des unions au fil des générations. Une personne de deuxième génération sur deux interrogée lors de l’enquête « trajectoires et territoires » est issue d’un couple mixte et 90 % de la troisième génération n’a qu’un seul grand-parent immigré tandis que 27 % des immigrés et les deux tiers des descendants d’immigrés vivent avec un conjoint ni étranger ni enfant d’étranger.
Ascenseur scolaire
Les études de l’Insee et de l’Ined confirment en outre que l’ascenseur social fonctionne , en tout cas au niveau scolaire. Si les immigrés sont beaucoup moins diplômés que leurs compatriotes nés en France, l’écart se réduit dès la deuxième génération. Chez les natifs (quatrième génération et plus), 43 % des enfants sont diplômés du supérieur, contre 20 % de leurs parents. Pour les enfants de couples mixtes et les petits enfants d’immigrés, les proportions sont identiques.
Pour les enfants dont les deux parents sont immigrés, la marche franchie est plus haute puisque seuls 5 % des parents sont diplômés du supérieur. Mais si « les écarts se réduisent, ils ne disparaissent pas », note Mathieu Ichou de l’Ined. 33 % des enfants d’immigrés sont diplômés de l’enseignement supérieur, avec de fortes différences selon l’origine de leurs parents : les parents asiatiques et africains hors Maghreb sont beaucoup plus diplômés que ceux du Maghreb et d’Europe du Sud (22 % et 28 % contre 2 % et 3 %) ; de même pour leurs enfants (50 % et 54 % contre 32 % et 31 %).
Profondes inégalités sur le marché du travail
Mais alors que l’Insee a déjà montré que les immigrés sont plus exposés au risque de chômage , l’enquête met aussi en lumière l’existence de profondes inégalités d’accès au marché du travail. La proportion de petits-enfants d’immigrés européens diplômés du supérieur appartenant aux professions intermédiaires ou supérieures est certes équivalente à celle des descendants de natifs français (75 % contre 77 %). En revanche, ceux nés d’au moins un parent non européen sont bien moins nombreux à pouvoir valoriser ainsi leur diplôme (63 % d’origine maghrébine, 67 % d’origine asiatique et 71 % du reste de l’Afrique).
Ceci est à mettre en relation avec la question des discriminations selon l’origine, la nationalité ou la couleur de peau. Quelle est la part d’une hausse de la sensibilité sur le sujet et de leur accroissement ? Les travaux de l’Insee et de l’Ined ne le disent pas mais ils montrent un très fort accroissement de leur perception dans « le contexte actuel de la société français », selon Patrick Simon de l’Ined.
A la fin des années 2000, 8 % des personnes avec une ascendance migratoire affirmaient en avoir été victimes contre 21 % dix ans après. Cela s’accompagne d’une forte poussée du signalement par les personnes se déclarant de confession musulmane de discriminations liées à leur religion, évoqué par 11 % d’entre elles contre 2 % en 2008-2009.