Le bras de fer qui oppose Orange à l’administration fiscale depuis près de dix ans devrait bientôt s’achever. L’espoir de remporter une victoire est mince pour l’Etat : fin octobre, le rapporteur public auprès du Conseil d’Etat, ce magistrat chargé de donner son opinion avant la décision du juge administratif suprême, a défendu la position de l’opérateur télécoms.
Orange réclame le remboursement d’un impôt de 1,9 milliard d’euros, qu’il a été contraint de verser à la suite d’un redressement fiscal. Mais la facture pour l’Etat devrait être plus élevée. Elle est estimée à plus de 2,6 milliards d’euros, compte tenu des intérêts moratoires qui courent depuis des années.
Ce contentieux hors normes trouve son origine dans la réorganisation menée en 2005 par la société (encore appelée France Télécom à l’époque). Cette année-là, l’opérateur dissout sa holding Cogecom, dans lequel il logeait toutes ses acquisitions. A la suite de cette opération, il déduit de son bénéfice 11,5 milliards d’euros, correspondant aux reprises de provisions passées au cours des années précédentes.
Marathon judiciaire
« Ce sont ces modalités de fusion-absorption qui ont donné lieu à une contestation », explique Sébastien Crozier, responsable CFE-CGC chez Orange. Le syndicaliste, qui avait réclamé une expertise à l’époque, regrette que la direction du groupe n’ait pas demandé de rescrit fiscal sur l’opération.
La procédure concernant le redressement lui-même remonte à 2011-2013. L’administration fiscale, qui contestait la déduction des 11,5 milliards liée à des dépréciations d’actifs, a dans un premier temps obtenu qu’Orange lui verse 1,9 milliard d’euros ainsi que des intérêts de retard.
Mais compte tenu des sommes en jeu, le groupe a poursuivi l’Etat, devant la Cour administrative d’appel de Versailles puis devant le Conseil d’Etat. C’est ce marathon judiciaire qui devrait se conclure, selon le scénario le plus probable, par une victoire du groupe dirigé par Stéphane Richard , l’ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy.
« Précompte », taxe sur les dividendes
La décision du Conseil d’Etat qui était attendue en novembre pourrait être reportée à janvier en raison du confinement . Elle permettra dans tous les cas à l’Etat de solder l’une des grandes affaires fiscales dans lesquelles il était empêtré.
Quelques autres dossiers à fort enjeu doivent encore être bouclés. Dans l’un d’eux, connu sous le nom de « précompte mobilier », le groupe de télécoms fait encore partie d’un groupe d’entreprises (Schneider Electric, Axa, BNP Paribas, Engie) qui ont déposé une requête auprès du Conseil d’Etat en 2020. Enfin, il y a quelques années, Orange a aussi été touché par le retentissant litige de la taxe à 3 % sur les dividendes , qui a coûté à l’Etat pas moins de 10 milliards d’euros. L’invalidation de cette taxe par le Conseil constitutionnel en 2017 a permis à l’opérateur de récupérer 304 millions d’euros.