Johnny Hallyday trahi par Instagram. Il y a quelques années, le feuilleton judiciaire autour de l’héritage du chanteur a montré que les réseaux sociaux pouvaient aider à déterminer la résidence fiscale d’un contribuable. Les sites et plateformes sur lesquels les utilisateurs publient des informations personnelles peuvent en effet constituer un précieux outil dans la chasse aux domiciliations fiscales frauduleuses, trafics illicites ou autres activités occultes. Cela n’a évidemment pas échappé aux services des impôts qui, pourtant, n’utilisent pas cette possibilité. Mais cela va bientôt changer.
Le fisc vient en effet de recevoir le dernier coup de tampon ouvrant la voie à l’expérimentation, pendant trois ans, de la collecte des données publiques (qui ne nécessitent pas de saisir un mot de passe) mises sur Facebook, LinkedIn, Twitter, etc., ou sur des sites tels que Airbnb, Leboncoin ou autre Blablacar. Le décret détaillant les modalités de mise en oeuvre de cette collecte vient de paraître, accompagné de nouveaux commentaires de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Mesure « liberticide »
Pour mémoire, le dispositif, poussé par Gérald Darmanin lorsqu’il était ministre de l’Action et des Comptes publics, a été voté dans la loi de Finances pour 2020. L’article en question a suscité des débats houleux au Parlement, où certains ont dénoncé une mesure « liberticide ». La CNIL a exprimé son inquiétude dans un avis de 2019, tandis que le Conseil constitutionnel a, lui, restreint le champ d’application de la traque numérique.
Le débat est désormais clos et, dans les jours ou semaines qui viennent, l’algorithme d’analyse de risque de la Direction générale des Finances publiques va donc être alimenté par les réseaux sociaux et plateformes en ligne. Jérôme Fournel, qui dirige ce département du ministère de l’Economie, soutient cette modernisation des outils qui passe par le « Data Mining ». Fin 2019, il indiquait d’ailleurs que le recours à l’intelligence artificielle concernait près d’un quart des contrôles fiscaux.
Echange automatique de données entre pays
La surveillance numérique ne cesse de progresser. Depuis quelques années, l’administration obtient notamment des plateformes de ventes en ligne des déclarations sur les revenus générés par leurs membres, en vertu du droit de communication.
Le fisc a aussi nettement étoffé son arsenal de lutte contre la fraude via l’échange automatique de données entre pays, généralisé en 2018. Grâce à ces accords destinés à en finir avec le secret bancaire, le nombre de comptes à l’étranger de contribuables français déclarés par des capitales partenaires a explosé : en 2019, les services de Bercy ont ainsi reçu des informations sur 4,8 millions de comptes . Tout l’enjeu est désormais de bien exploiter ce déluge de données.