Ce serait l’un des premiers effets tangibles de la crise du Covid-19 sur la politique fiscale du gouvernement. Lors de son interview télévisée tenue ce mardi à l’Elysée , Emmanuel Macron a fait comprendre que la suppression totale de la taxe d’habitation pour les 20 % de Français les plus aisés – qui était attendue d’ici à 2023 – devrait être reportée à plus tard en signe de solidarité. « Une option possible serait de décaler un peu, pour les plus fortunés d’entre nous, la suppression de la taxe d’habitation, ce qui peut être quelque chose de légitime en période de crise », a avancé le chef de l’Etat, tout en renvoyant le dossier à son Premier ministre, Jean Castex.
Par cette annonce, Emmanuel Macron espère clore le débat lancinant sur la contribution des plus riches au renflouement des finances publiques après la crise du coronavirus. Lors de son intervention, le chef de l’Etat a une nouvelle fois exclu un retour de l’ISF. De la même façon, il a écarté la possibilité d’une hausse de l’imposition sur le revenu des ménages aisés. « Cela ne résoudrait rien, cela découragerait ceux qui veulent s’enrichir par le travail » à un moment où le pays a besoin de relancer son économie, a-t-il ajouté.
En revanche, « l’esprit de justice, sans envoyer un signal désastreux, pourrait être de dire : ceux qui payent la taxe d’habitation pour lesquels elle n’avait pas encore baissé, on pourrait prendre quelques années », a-t-il expliqué, en vantant une logique de « bon sens ».
Mesure emblématique
La réforme de la taxe d’habitation fait partie des mesures emblématiques du programme présidentiel d’Emmanuel Macron, certains sondages ayant montré qu’elle avait eu une incidence importante sur le vote en sa faveur. Pour les 80 % de Français les plus modestes, la disparition de cette taxe commencée en 2018 sera complète cet automne (elle l’est même déjà pour les ménages mensualisés). Cela représente un coût de 10 milliards d’euros pour les finances publiques.
Restait la part acquittée par les 20 % des Français les plus aisés (ceux touchant au-dessus de 2.500 euros par mois pour un célibataire), qu’Emmanuel Macron n’avait pas prévu de supprimer à l’origine. Mais fin 2017, le Conseil constitutionnel avait mis en garde le gouvernement contre le maintien d’une taxe pour seulement 20 % des ménages. Le gouvernement avait du coup décidé la suppression de ce reliquat de taxe d’habitation : celle-ci devait se faire en trois étapes à partir de 2021, avec une disparition totale en 2023. Le coût total de cette mesure (qui ne concerne que la résidence principale) était estimé à 7 milliards.
Economies appréciables
Avec ce report probable – Jean Castex pourrait donner des précisions lors de son discours de politique générale mercredi – les pouvoirs publics peuvent espérer quelques économies appréciables en ces temps de disette budgétaire : ainsi le gain pour les finances publiques est estimé par Bercy à 2,4 milliards d’euros en 2021, et à 2,9 milliards en 2022.
Mais l’exécutif ne peut pas enterrer définitivement cette suppression totale, sans risquer un retour de bâton du Conseil constitutionnel. « C’est un décalage de court terme, pas un renoncement. A priori, nous pourrions décaler d’un an cette suppression totale sans risque d’inconstitutionnalité », explique une source gouvernementale. Manière de dire qu’au-delà, on entrerait dans une zone d’incertitudes.