La Cour des comptes appelle Bercy à muscler sa stratégie pour enrayer la hausse de la dette

La Cour des comptes juge « imprudent » de compter seulement sur le retour de la croissance pour contenir la flambée de l'endettement consécutive à l'épidémie de coronavirus. Dans son rapport annuel sur les finances publiques, publié ce mardi, elle appelle l'exécutif à envisager rapidement un programme d'économies sur la dépense publique, mais en épargnant l'investissement.


The First President of the Cour des comptes, French supreme body for auditing the use of public funds in France, Pierre Moscovici poses in the Cour des comptes building in Paris on June 26, 2020. - Moscovici was appointed by the French President on June 3, 2020. (Photo by Christophe ARCHAMBAULT / AFP)

Depuis des semaines, les représentants de l’exécutif – et lundi encore Bruno Le Maire à l’Assemblée nationale – répètent qu’ils rembourseront la dette générée par la crise du coronavirus « par la croissance ». Mais dans son rapport annuel sur « la situation et les perspectives des finances publiques » , publié ce mardi, la Cour des comptes appelle le gouvernement à sérieusement muscler une réponse jugée pour l’instant insuffisante.

« Il serait imprudent de tabler sur le simple retour de la croissance après la crise sanitaire pour assurer la maîtrise de la trajectoire de dette publique », préviennent les magistrats financiers. Ils insistent sur la nécessité que « la croissance des dépenses publiques soit significativement plus faible que celle constatée ces dernières années », au moment même où le gouvernement multiplie les annonces de grands plans d’investissement et de revalorisation (sur la santé ou l’écologie notamment )

Déficit de 250 milliards

Pour aboutir à ce constat, la Cour des comptes désormais dirigée par Pierre Moscovici , l’ancien ministre des Finances de François Hollande et ex-Commissaire européen, rappelle la gravité de la crise provoquée par le Covid-19. Le gouvernement a annoncé un déficit à 11,4 % du PIB à la fin de l’année, et une dette s’établissant à 120 % , des « prévisions globalement équilibrées » selon les experts des finances publiques.

Ces ratios un peu abstraits prennent plus de relief encore quand on rappelle les sommes associées à de tels niveaux : ainsi le déficit public devrait être de 250 milliards d’euros fin 2020 alors qu’il était attendu à seulement 50 milliards en début d’année – une explosion qui s’explique avant tout par la perte de recettes de 135 milliards – calcule la Cour. Des montants astronomiques, aux conséquences d’autant plus graves que « la France a abordé la crise sanitaire et ses conséquences économiques avec des finances publiques dont le redressement est inachevé ». Il est notamment rappelé que « le déficit structurel hors charges d’intérêt n’a pas été réduit depuis 2015 ».

Pas de miracle de la croissance

A de tels niveaux, il ne faut donc pas attendre de la croissance qu’elle fasse des miracles. La Cour a ainsi considéré trois scénarios pour les années à venir : celui de « rattrapage », qui verrait le PIB revenir au bout de quelques années à la trajectoire d’avant crise ; celui de « perte limitée » où le terrain perdu n’est pas regagné complètement malgré une croissance de retour à sa tendance d’avant crise ; et enfin celui de « faiblesse persistante » avec un PIB et un taux de croissance durablement en dessous du niveau d’avant Covid.

La conclusion ? Dans le meilleur des cas le déficit peut espérer retrouver en 2023 le niveau prévu cette année avant le coronavirus mais avec une dette publique « encore supérieure à son niveau d’avant crise ». Dans le second cas, le déficit stagnerait à 4 % du PIB d’ici à trois ans avec une dette un peu supérieure à 115 %. Enfin le pire scénario ouvrirait la voie à un déficit durablement supérieur à 6 % et à une dette qui s’envolerait à 140 % de PIB.

Ne pas sacrifier l’investissement public

« Le gouvernement table à ce stade sur une hypothèse de rebond total à terme […] qui apparaît optimiste », juge la Cour des comptes. Bercy réfléchit également à cantonner une partie de la « dette Covid » – environ 150 milliards – qui pourrait être financée par une prolongation de la CRDS pour traiter ce problème de flambée de l’endettement.

Ces perspectives peu réjouissantes commandent donc de ne pas « remettre tout effort d’économies à un horizon éloigné », et ce même si le bas niveau des taux d’intérêt facilite la tâche. Dans cette perspective, le futur plan de relance attendu à la rentrée devra être « ciblé et ne pas être financé par de la dette » nationale, avec des « mesures temporaires prévoyant des clauses d’extinction claires », recommandent les magistrats financiers.

Au-delà, il est demandé de « réexaminer les modalités de l’intervention publique dans tous les domaines » : en clair, si des dépenses doivent augmenter pour la santé ou l’écologie, il faudra voir comment les réduire dans d’autres domaines, les hausses d’impôts étant jugées moins pertinentes. « Ce réexamen de la qualité de la dépense publique doit notamment préserver les investissements publics », est-il écrit dans le rapport qui s’inquiète « des signes d’effritement » en la matière depuis quelques années. L’investissement public connaît ainsi un repli net depuis son pic du début des années 1990.


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