Voilà qui n’arrange guère les affaires de l’exécutif, en pleins préparatifs du collectif budgétaire sur le pouvoir d’achat. L’inflation a atteint 5,2 % sur un an en mai, selon l’estimation provisoire publiée mardi par l’Insee. Un nouveau plus haut depuis 1985 après une hausse de prix de 4,8 % en avril. Ce mauvais chiffre était attendu par l’institut.
Alors qu’elle est depuis des mois la préoccupation majeure des Français, l’inflation continue donc sa progression, toujours portée par la flambée des cours de l’énergie (+28 % sur douze mois) attisée par le conflit ukrainien. Mais, désormais, tout augmente : les prix alimentaires bondissent de 4,2 % et, cette fois, plus que les produits frais (+1,5 %) ce sont les autres produits qui s’envolent (+4,6 %). Les prix des services (+3,2 %) et des biens manufacturés (+2,9 %) sont à leur tour pris dans le tourbillon des hausses.
Sur un mois, les prix à la consommation accélèrent eux aussi, en hausse de 0,6 % après +0,4 % en avril, tirés par le rebond des prix des produits pétroliers tandis que la hausse semble s’assagir dans l’alimentation, les services et les biens manufacturés en mai.
PIB en baisse de 0,2 %
Comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, la croissance est aussi en berne : l’Insee a revu à la baisse ses estimations pour le premier trimestre 2022 et pour l’an dernier. In fine, l’activité s’est contractée de 0,2 % entre janvier et mars après un rebond révisé à 6,8 % en 2021 (au lieu de 7 %). La France est ainsi entrée dans une nouvelle période de turbulences alors que son PIB demeurait inférieur de 1,5 % à son niveau moyen de 2019.
A fin mars, l’acquis de croissance pour 2022 n’est plus que de 1,9 % au lieu des 2,4 % anticipés précédemment. Alors que tour à tour toutes les institutions ont revu à la baisse leurs prévisions pour cette année, le ralentissement de l’économie française s’annonce donc plus sévère qu’attendu. « Compte tenu des diverses révisions à la baisse, nous tablons désormais sur une croissance de 2,1 % pour l’ensemble de l’année, contre 2,7 % précédemment », indique par exemple Charlotte de Montpellier, économiste chez ING France.
« Phénomène structurel »
« Ces révisions ne changent pas la vision globale, tempère Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès. Elles confirment l’absence de dynamique de l’économie française liée au contexte géopolitique. Mais on reste dans un scénario de stagnation, pas de récession. »
L’inflation, en revanche, est en train de devenir un « phénomène plus structurel qu’une flambée passagère des prix de l’énergie », analyse l’expert. L’Insee s’attend d’ailleurs à une nouvelle progression en juin, à 5,4 %.
Les hausses de prix rognent désormais le pouvoir d’achat des Français : celui-ci a fortement baissé au premier trimestre, la perte étant estimée à 1,9 point par unité de consommation (dont 1 point par contrecoup de la perte de l’indemnité inflation versée fin 2021-début 2022 qui a été intégrée en totalité dans les revenus de 2021). La consommation, premier moteur de la croissance tricolore, en fait les frais : celle-ci a reculé de 1,4 % sur les trois premiers mois de l’année et a encore chuté de 0,4 % en avril, les ménages ayant notamment réduit leurs achats alimentaires.
« Nécessité d’une normalisation monétaire »
Pour préserver le porte-monnaie des Français, l’exécutif promet de nouvelles mesures : le prolongement du bouclier tarifaire sur l’énergie, un nouveau dispositif sur le prix de l’essence pour les gros rouleurs, le triplement de la prime Macron, la suppression de la redevance audiovisuelle, un chèque alimentaire, le dégel du point d’indice des fonctionnaires ou encore la revalorisation anticipée des retraites et des minima sociaux pour tenir compte de l’inflation.
Le projet de loi sur le pouvoir d’achat doit être présenté le 29 juin puis sera soumis au Parlement « dans la foulée », a précisé au « Parisien » la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire, sachant qu’une communication sera faite en Conseil des ministres avant les législatives (a priori le 8 juin). Avec sans doute des arbitrages à la clé.
La publication de l’Insee a également fait réagir le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau : « Les derniers chiffres d’inflation de mai, en France et dans les autres pays, confirment une hausse que nous prévoyions et la nécessité d’une normalisation monétaire progressive mais résolue. Nous devrions la décider lors de notre Conseil des gouverneurs la semaine prochaine, dans l’esprit des interventions récentes de la présidente de la BCE », a-t-il prévenu. En clair, les taux d’intérêt vont remonter, ce qui ne manquera de peser sur l’activité.