« Un simple contrôle fiscal peut maintenant aboutir au déclenchement de sanctions pénales ». Deux ans après sa promulgation, la loi relative à la lutte contre la fraude ne fait pas que des heureux. Pour les entreprises, elle est même devenue une source d’inquiétude, observe un avocat fiscaliste. Un constat qui n’étonnera pas les députés Emilie Cariou (Ecologie Démocratie Solidarité) et Eric Diard (LR), qui ont présenté mercredi le rapport d’application de cette loi. « Les outils créés par la loi […] sont pertinents et commencent à produire leurs effets », soulignent les deux rapporteurs : « Le plus significatif à ce stade est le doublement du nombre de dossiers transmis par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire entre 2018 et 2019 ».
Leur rapport revient notamment sur le très médiatique dossier Google . Intervenu en 2019, moins d’un an après l’entrée en vigueur de la loi, le règlement des contentieux relatifs à l’imposition du groupe américain en France s’est traduit par une rentrée de recettes pour l’Etat de 1 milliard d’euros. Un résultat rendu possible par l’extension de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) à la fraude fiscale, par la réalisation d’une transaction administrative sur les pénalités mais aussi par le rôle qu’a pu jouer le parquet national financier (PNF), notamment grâce à la réforme du « verrou de Bercy », l’une des mesures phares de la loi anti-fraude.
Réforme du « verrou de Bercy »
Alors que le fisc avait le monopole des poursuites au pénal après avis de la commission des infractions fiscales, le texte d’octobre 2018 a modifié cette procédure dite du « verrou de Bercy » : il a fixé des critères automatiques de signalement d’un dossier au parquet (en fonction de la gravité des faits ou des montants redressés), qui ensuite décide ou non d’ouvrir une plainte. Une évolution suffisamment importante pour faire réagir l’Afep , l’Association française des entreprises privées.
Autre mesure clef du dispositif anti-fraude : la police fiscale. Un décret de 2019 a créé le « service d’enquêtes judiciaires des finances », composé notamment d’un pôle d’investigations fiscales qui regroupe des agents spécialisés dans les délits de fraude fiscale complexe (réalisée via les paradis fiscaux, recourant à la falsification ou utilisant les domiciliations fiscales fictives). Au 31 août, 47 dossiers étaient en cours d’examen par ces agents.
Déclarations fiscales des sites de e-commerce
L’obligation de déclarations imposée aux plateformes de vente en ligne constitue aussi l’un des grands apports de la loi de 2018 : ces sites doivent déclarer au fisc les revenus gagnés par leurs utilisateurs pour la vente de certains produits. Au 20 avril dernier, 120 plateformes ont fait des déclarations valides, qui concernent 1,2 million de particuliers et 0,4 million de professionnels, indiquent les députés.
Tout en se félicitant de ces avancées, les rapporteurs soulignent des fragilités. En particulier « les carences réelles qui existent en matière de lutte contre la délinquance financière du fait de l’insuffisance chronique des moyens alloués au contrôle fiscal au sein de l’administration fiscale ». Ils évoquent la baisse des effectifs du contrôle fiscal ces dernières années.
Le rapport d’application constitue une première étape dans le suivi de la loi anti-fraude. Les effets de celle-ci seront pleinement évalués à l’occasion d’une autre enquête, qui doit intervenir au plus tard trois ans après la promulgation du texte.