On n’en a pas encore fini avec le Covid. Mais l’Assurance-maladie est disposée à tirer les enseignements de la crise sanitaire, pour faire évoluer son action de régulateur des soins de ville. La caisse nationale (CNAM) a présenté ce jeudi à son conseil un rapport annuel « charges et produits » qui s’inspire de l’expérience de deux années d’exception épidémique pour se projeter à la rencontre des populations fragiles et pour donner plus de place à la « santé publique ».
Le changement ne réside pas dans le montant des économies proposées pour l’année prochaine : 1,2 milliard d’ « optimisation » des remboursements de frais de santé. C’est un peu plus que le milliard des deux années précédentes , et bien en-deçà des 2 milliards d’avant crise . La rigueur budgétaire n’est pas de mise, malgré un déficit de 26 milliards d’euros pour la branche maladie de la Sécurité sociale en 2021.
En revanche, la méthode a changé. D’abord, un nouveau tableau de bord fait son apparition, qui va permettre de mesurer les avancées de l’état de santé du pays dans la durée et par rapport à d’autres. Ce n’est pas toujours glorieux : 5 % des patients chroniques n’ont pas de médecin traitant ; la consommation d’alcool (11,4 litres par an par personne) est supérieure à celle des Anglais ; seules 37,4 % des filles de 16 ans sont vaccinées contre le cancer du col de l’utérus.
Ceux qui ont le plus besoin de prévention
Ensuite, l’Assurance-maladie ajoute une approche « populationnelle » dans sa boîte à outils. D’habitude, la régulation des soins s’appuie sur une analyse fouillée des dépenses par pathologie, à chaque stade de la maladie. Le but est par exemple d’éviter qu’un diabète léger coûtant 3.800 euros par an par patient dégénère en amputation ou en insuffisance rénale sévère, une catastrophe humaine doublée d’une facture de 60.000 euros par an.
Désormais, l’Assurance-maladie veut en parallèle développer une approche par populations, pour cibler ceux qui ont le plus besoin de soins, et surtout de prévention. Ce n’est pas la tradition française. Mais la crise du Covid a montré l’inadaptation d’un système de santé qui n’intervenait qu’en réaction, et servait de la même façon les ruraux, les banlieues paupérisées, les communautés isolées, les personnes âgées. Il a fallu « aller vers » les patients fragiles qui étaient moins vaccinés et attrapaient plus souvent le Covid.
Prévenir le risque de suicide post-partum
Pour commencer, cette logique va être répliquée en matière de maternité et de petite enfance. Les inégalités sociales sont très fortes face aux facteurs de risque de mortalité infantile et maternelle. Le tabagisme de la femme enceinte, qui est élevé en France (16 % contre 12 % au Royaume-Uni et 9 % en Allemagne), est beaucoup plus fréquent chez les ouvrières (33 %) que chez les cadres (6 %). De même, l’obésité frappe 17 % des premières, contre 5 % des dernières.
Quant aux enfants de moins de six ans, ils sont « sur-médicamentés » en France (deux fois plus de prescriptions qu’en Suède), mais paradoxalement moins suivis. Un quart des enfants d’un an ont connu moins de 8 consultations dans leur vie, alors que la Sécurité sociale prend en charge les 11 examens recommandés à cet âge.
D’où une batterie de mesures préconisées : instauration d’un nouvel entretien post-partum pour que la sage-femme repère les signaux de dépression qui pourraient mener à un suicide (première cause de mortalité maternelle dans l’année qui suit l’accouchement) ; ouverture aux sages-femmes de la prescription de séances psy remboursées ; création du statut de « sage-femme référente » ; extension de l’expérimentation de repérage des troubles visuels et du langage à 3 ans, par des enseignants formés par les orthophonistes…
Dans les prochains mois, l’Assurance-maladie va aussi chercher à développer un carnet de santé numérique de l’enfant, sur la base de la nouvelle plateforme Mon espace santé.