Qu’attendez-vous du sommet social de ce lundi avec Jean Castex ?
La situation qui entoure ce sommet a changé par rapport à celle du précédent, il y a quatre mois. Sans doute la confiance en l’avenir proche est-elle moins forte qu’à ce moment-là. Sur certains sujets de l’agenda social, déjà en cours, on comprend qu’il faille continuer les concertations ou les négociations, sur la santé au travail ou le télétravail par exemple. C’est aussi le cas des reconversions professionnelles sur lequel nous devons aboutir rapidement.
Sur d’autres sujets, forcément, on peut se demander s’il est toujours opportun de s’y attaquer. Je pense aux retraites notamment. C’est paradoxal car on sait que plus on exonère de charges, plus on fait d’activité partielle et plus on creuse le trou. Pourtant, ce n’est pas primordial de régler cela immédiatement. On fera les comptes quand l’épidémie aura disparu. Aujourd’hui, l’important pour nous c’est d’obtenir une plus grande visibilité sur l’activité. Ma préoccupation c’est de sauvegarder le maximum d’entreprises et d’emplois.
Et l’assurance-chômage ? Est-il urgent d’attendre ou faut-il appliquer la réforme même édulcorée au 1er janvier 2021 ?
Je ne suis pas certain que la réforme soit hyper urgente même si l’U2P y reste favorable. C’est un sujet sensible pour certaines organisations représentatives [syndicales, NDLR] et ce n’est pas la peine d’aller mettre le feu alors que nous connaissons déjà des difficultés d’activité.
Sur le partage de la valeur, quelle forme pourrait prendre un « dispositif de rémunération variable simplifié pour TPE » sur lequel le ministère du Travail a demandé aux partenaires sociaux de plancher ?
Pour l’instant, la façon la plus simple de récompenser les salariés dans les entreprises que l’on représente, reste la prime, du type prime Macron, défiscalisée et désocialisée.
Avez-vous une estimation des risques de faillites parmi les secteurs que vous représentez ?
C’est très difficile de donner des chiffres. Beaucoup d’entreprises sont sous perfusion et l’inquiétude est montée d’un cran depuis l’instauration du couvre-feu. Au-delà des hôtels cafés et restaurants, nombre d’autres secteurs sont gravement frappés . Tout dépendra de la pérennité des aides et du comportement des assurances ou des banques. Ces dernières semblent vouloir accepter un différé de remboursement de deux ans et un apurement sur quatre ans des prêts garantis par l’Etat. Nous souhaitons que cela soit à la main de l’entreprise, d’autant plus que cela va arriver en parallèle avec les reports de charges sociales pour lesquels l’Urssaf n’a pas joué le jeu. Des entreprises reçoivent des avis de paiement de six mois de cotisations alors qu’un étalement sur trois ans est possible, sans même leur proposer ! Il n’est pas normal que ce soit au chef d’entreprise de faire la démarche.
Le gouvernement a dû améliorer presque mois après mois les mesures de soutien aux secteurs les plus touchés par les mesures sanitaires. Combien de temps cela peut-il durer ?
Ce qu’il faut déjà, c’est que les dernières mesures entrent en application, même si le gouvernement fait preuve de beaucoup de réactivité. Tous les jours on s’aperçoit qu’il y a des trous dans la raquette ce qui nous oblige à intervenir pour faire prendre en compte des métiers auxquels on n’avait pas pensé. Le recours plus intense au télétravail fait également bouger les lignes. On comprend bien qu’il faille trouver la parade entre le fonds de solidarité, les prêts ou autres mesures, mais cela commence à durer. La situation commence à se tendre dans nos professions. J’ai rencontré des photographes qui demandent le RSA en plus des aides !
Quels sont les manques les plus urgents à combler ?
La question des loyers est sur la table depuis avril. Il faut aboutir rapidement. On comprend les bailleurs qui ont investi. Certaines mesures, comme le crédit d’impôt sur l’exonération des loyers, peuvent les aider. On peut aussi envisager un partage des charges entre eux, les entreprises locataires et l’Etat. On peut imaginer par exemple que le loyer reste proportionnel aux revenus de l’entreprise, notamment pour les commerçants. Nous devrions déboucher dans les jours qui viennent car chacun sait qu’à un moment c’est cela ou rien.
Faudra-t-il aussi prolonger au-delà du 31 décembre le zéro reste à charge pour les entreprises qui recourent à l’activité partielle ?
J’en ai peur, malheureusement. La période des fêtes de fin d’année est très intense pour nos adhérents. Si les mesures sanitaires ne sont pas assouplies à ce moment-là, cela va être catastrophique. La responsabilité de chacun sera primordiale pour que l’on ne se retrouve pas en confinement juste après. En attendant, la question de maintenir des listes de professions éligibles au zéro reste à charge [S1 et S1 bis, NDLR] peut se poser quand le couvre-feu est étendu à ce point et touche un nombre encore plus grand de professions par ricochet.