Cela faisait partie des quelques promesses mises en avant pour illustrer le credo écolo d’Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle. La majorité est décidée à batailler dans les prochains mois pour la mise en place d’un dispositif de « verdissement » de la rémunération variable des cadres dirigeants, alors que le patronat cherche à éviter toute mesure trop contraignante.
Tout a démarré en mars dernier, lors de la présentation en grande pompe du nouveau programme présidentiel du chef de l’Etat. « Nous porterons une série de mesures, comme le conditionnement de la rémunération des dirigeants au respect des objectifs environnementaux et sociaux de l’entreprise, ce qui est un élément clé, là aussi, pour changer les pratiques et les comportements », avait-il lancé au cours de son discours fleuve de 4 heures, en faisant de la mesure un levier pour favoriser la transition climatique.
La parade du patronat
Sentant la pression politique s’accroître, le patronat s’est saisi de la question. Le tout nouveau code de gouvernance Afep-Medef dévoilé la semaine dernière y fait explicitement référence : parmi les recommandations, le fait d’intégrer, dans les critères RSE (responsabilité sociale et environnementale) retenus pour la rémunération variable des dirigeants, un « critère en lien avec les objectifs climatiques de l’entreprise ». « Les critères quantifiables devront être privilégiés », précise le code. « Il y a la volonté de montrer que la demande politique a été entendue », reconnaît une source patronale.
Le timing de l’annonce n’est pas non plus innocent. En le dévoilant maintenant, l’Afep et le Medef espèrent que ce nouveau code infusera au printemps lors des prochaines assemblées générales des entreprises. « Il y a déjà une dynamique, nous anticipons que le nouveau code va l’amplifier », poursuit la même source. Ainsi environ 94 % des entreprises du CAC 40 auraient déjà instauré un critère environnemental dans le calcul de la rémunération variable des dirigeants.
Est-ce que cela permettra au patronat d’éviter un texte législatif plus contraignant ? Pas sûr. « Le code Afep-Medef est insuffisant. Il faut que nous en discutions avec le gouvernement, mais nous ne nous interdisons pas au sein de la majorité parlementaire de porter nous-même cette mesure dans les prochains mois. Le plus tôt sera le mieux », souligne Mathieu Lefèvre, coordinateur du groupe Renaissance au sein de la commission des finances de l’Assemblée. « Cette mesure est toujours à l’agenda, je crois beaucoup en son utilité », renchérit Pierre Cazeneuve, député Renaissance et ancien membre du cabinet d’Emmanuel Macron à l’Elysée.
Négociations en Europe
Il reste à voir quels pourraient être le calendrier et le contenu d’un tel dispositif législatif. Sur le premier point, le gouvernement ne s’avance pas. « Des travaux sont en cours à la direction du Trésor », explique-t-on à Bercy. Pierre Cazeneuve pense qu’une initiative pourrait être prise dans le cadre du budget 2024 , ou dans le texte en préparation sur le partage de la valeur.
Mais une autre voie est suivie en parallèle au niveau européen, cette réforme faisant partie de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises mise sur la table par la Commission de Bruxelles. « Puisqu’il y a des négociations en cours au niveau européen, on ne va pas légiférer en parallèle en France. Si jamais on perd cette bataille en Europe, il faudra prendre nos responsabilités en France », explique Pascal Canfin, eurodéputé Renaissance et président de la commission Environnement du Parlement européen.
Liberté d’entreprise
En tout cas, les principales pistes sur lesquelles le camp présidentiel veut avancer apparaissent déjà. « Nous voulons travailler sur la promesse présidentielle, qui est d’instaurer une obligation sur le critère écologique dans le calcul de la rémunération des dirigeants », explique Mathieu Lefèvre. « On sait très bien que, dans une entreprise, ce qui n’est pas reflété dans la part variable de la rémunération est considéré de facto secondaire », justifie Pascal Canfin sur cette nécessité de critère obligatoire.
Et puis surtout, une partie de la majorité pousse pour qu’un chiffre minimum soit instauré. Aujourd’hui, le critère environnemental représente 10 % environ de la rémunération variable des dirigeants des entreprises du CAC 40 qui la pratiquent, mais certains comme Pascal Canfin plaident pour que le curseur soit poussé à 20 %. De quoi hérisser le patronat.
« Il faut tenir compte de la trajectoire climatique des secteurs, et de la situation financière des entreprises. Un critère obligatoire de 20 % n’a pas de sens, et ne respecte pas la liberté d’entreprise », souligne la source patronale. « Le chef de l’Etat a expliqué récemment que ce n’est pas l’Etat qui fixe les salaires, c’est valable aussi pour les patrons », ajoute-t-il.