Une petite phrase de Jean Castex au détour de deux heures d’ une réunion avec les partenaires sociaux lundi soir consacrée à l’allègement du confinement suivie d’un communiqué, le lendemain, du ministère du Travail : soumis à une forte pression des acteurs du secteur, le gouvernement a fait marche arrière sur le financement de l’apprentissage.
La révision des barèmes de prise en charge des diplômes des jeunes, qui assurent l’essentiel des ressources des centres de formation d’apprentis (CFA), se fera à la rentrée 2022, comme prévu, et non pas avec un an d’avance, comme envisagé ces dernières semaines au ministère du Travail sur demande de Matignon.
« Raisonné et raisonnable », a réagi Yves Hinnekint, le président de l’association Walt, qui regroupe six réseaux importants de CFA. « J’avoue que c’est un grand ouf de soulagement même si on est bien conscient qu’il faudra ouvrir le chantier plus tard », a abondé Roselyne Hubert, la présidente de la Fédération nationale des directeurs de CFA.
Trop précipité
Le chantier, qui a suscité une levée de boucliers, a pour but de réduire encore les écarts qui subsistent entre les niveaux de prise en charge – techniquement appelés « coûts-contrats » – d’un même diplôme d’une branche professionnelle à une autre. Après un gros travail de convergence, la loi Pénicaud de 2018 avait prévu de remettre le métier sur l’ouvrage en 2022. Arrivées aux manettes à l’été, les équipes de Jean Castex ont décidé d’avancer l’échéance d’un an se fondant sur la nécessité, pointée par un rapport des Inspections générales des affaires sociales et des finances , d’équilibrer les recettes et dépenses de la formation professionnelle.
Beaucoup trop précipité ont fait valoir au ministère du Travail les CFA et certaines branches professionnelles qui ne sont pas opposés sur le fond mais sur le calendrier. Leurs arguments ? La prime pour l’embauche d’un apprenti, jusqu’à 8.000 euros, a, de l’avis unanime sauvé la rentrée 2020. Mais la réforme n’est pas encore complètement assise, le Covid occasionne d’importants coûts supplémentaires et les taux de rupture des contrats d’apprentissage ont tendance à remonter, deuxième confinement oblige.
Echanges avec l’Elysée
Dans ce contexte anxiogène, le besoin de stabilisation l’a emporté. Tout s’est joué en fin de semaine dernière, aux termes d’échanges de haut niveau entre le ministère du Travail, Matignon et l’Elysée, preuve de l’importance du dossier puisqu’il concerne les jeunes, principales victimes de la crise. « Mi-novembre, devant la montée des crispations parmi les CFA et le contexte de crise, j’ai pris la décision de revenir au calendrier initial. Je l’ai fait valoir au Premier ministre ce week-end qui l’a annoncé aux partenaires sociaux lundi », a indiqué la ministre du Travail, Elisabeth Borne.
Un projet de tribune dans la presse des réseaux d’apprentissage, la plupart ayant soutenu la réforme, l’une des réussites du quinquennat, a visiblement fini par emporter le morceau.