C’est lent, très lent. En 2018, l’année de l’irruption des « gilets jaunes » sur les ronds-points de France, le niveau de vie médian de la population française – la moitié gagnant plus, l’autre moins – fait du surplace ou presque. Il a grimpé de seulement 0,3 % en tenant compte de l’inflation. Il s’élevait alors à 21.250 euros annuels, ce qui correspond à 1.771 euros par mois pour une personne seule et 3.719 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.
Depuis la crise de 2008, le niveau de vie médian, c’est-à-dire les revenus plus les prestations sociales moins les impôts, n’a progressé que de 1 % en dix ans alors qu’entre 1996 et 2008, il grimpait de 1,4 % chaque année. La faillite de Lehman Brothers, la crise des dettes européennes et leurs conséquences ont constitué une rupture importante pour l’économie française qui a mis longtemps à s’en remettre.
Les plus pauvres plus touchés
Cette rupture se voit d’autant plus sur les revenus des plus pauvres. Le niveau de vie des 10 % les moins aisés a chuté de 2,9 % en dix ans. Sur 2018, la baisse atteint même 1,6 %. D’ailleurs, le niveau de vie des 30 % des Français moins aisés a reculé en 2018.https://tpc.googlesyndication.com/safeframe/1-0-37/html/container.html
Cette baisse est toutefois en partie un trompe-l’oeil. En effet, ce recul s’explique par la réduction des allocations logement qui a pesé sur le revenu des ménages modestes et donc sur leur niveau de vie. Cette mesure gouvernementale a pourtant été compensée dans le parc de logements sociaux par des baisses correspondantes des loyers, donc des dépenses des ménages concernés. Mais cette réduction des loyers n’entre pas dans le calcul du niveau de vie des personnes, tel que le définissent l’Insee et les instituts nationaux de statistiques européens.
Cette réforme des allocations logement a aussi eu pour conséquence de faire grimper le taux de pauvreté en 2018, à 14,8 % de la population française, soit une progression de 0,7 point. Environ 9,3 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1.063 euros par mois pour une personne seule. Mais, là encore, cette hausse de la pauvreté s’explique en partie (0,4 point) par la baisse des allocations et de la non-prise en compte de la baisse parallèle des loyers dans le calcul du niveau de vie.
Les revenus des retraités à la peine
Les retraités n’ont pas été à la fête en 2018. La paupérisation d’une partie de cette population, jusqu’ici largement épargnée, est en marche. « Le niveau de vie médian des retraités diminue de 1,9 % en euros constants en 2018, pénalisé par la non-revalorisation des pensions servies par le régime général et par la hausse du taux de CSG prélevé », selon l’Insee. S’il reste largement inférieur à celui de la population française, le taux de pauvreté des retraités a fortement grimpé, s’établissant à 8,7 %, en hausse de 1,1 point en 2018.
Chez les plus riches, le constat est différent. La progression des revenus d’activité a été un peu plus importante. En 2018, le niveau de vie plancher des 10 % les plus aisés a augmenté de 0,6 %, à 39.130 euros par an pour une personne seule, dépassant légèrement son niveau d’avant la crise économique de 2008. Les ménages les plus aisés ont «davantage bénéficié de l’augmentation des revenus du patrimoine, portée par une forte hausse des dividendes reçus par les ménages, dans un contexte de fiscalité plus incitative avec la mise en place du prélèvement forfaitaire unique », explique l’Insee. Sans surprise, les plus riches ont profité de la réforme de la taxation du capital .
Résultat logique, les inégalités ont augmenté en France. « Les principaux indicateurs d’inégalités de niveau de vie sont en nette hausse entre 2017 et 2018 », remarque l’Insee.