Le nouveau statut de travailleur détaché en six questions

La France applique, depuis le 30 juillet, les nouvelles règles européennes sur les travailleurs détachés. Les Etats membres avaient deux ans pour transposer cette directive contre le « dumping social ». Qui sont les travailleurs détachés, qu'impliquent ces nouvelles dispositions ? CQFD fait le point.


« Il n’est pas question que le plan de relance se fasse avec des travailleurs détachés ! », défendait fermement la ministre du Travail dans une interview accordée fin juillet aux « Echos » . Alors qu’Elisabeth Borne ambitionne de réduire le recours au travail détaché dans certains secteurs, de nouvelles règles censées renforcer la protection de ces salariés sont entrées en vigueur le 30 juillet dernier. Le point dans CQFD.

. De quoi parle-t-on ?

Le travail détaché est un type de contrat de travail qui consiste pour une entreprise à envoyer une personne en mission temporaire, trois mois en moyenne, dans un autre Etat de l’Union européenne. La Commission estimait à 2,8 millions le nombre de travailleurs détachés en 2017. Ils occupaient donc moins de 1 % des emplois au sein des Etats membres. C’est également le cas dans l’Hexagone.

Cette forme de mobilité temporaire constitue donc une réalité d’ampleur limitée, bien qu’elle soit en forte expansion : entre 2010 et 2017, le nombre de détachements a augmenté de 83 %. Une progression qui s’observe aussi en France, où « depuis 10 ans, le recours au travail détaché a plus que doublé », a souligné Elisabeth Borne fin juillet. En réalité, il a même été multiplié par 7,5 depuis 2007, atteignant la proportion d’un demi-million de travailleurs détachés en 2017.

. Qui sont ces travailleurs détachés ?

Un rapport de la Direction Générale du Travail indique que ce sont les salariés portugais qui représentaient la première nationalité de main-d’oeuvre détachée en France en 2017, suivis par les salariés de nationalité polonaise, allemande, roumaine, italienne, espagnole, britannique et belge. A l’échelle européenne, plus de la moitié des détachements se font entre pays limitrophes. Et principalement – à 86 % – entre pays de l’Europe des 15.

Malgré son faible impact sur l’emploi total, le détachement est très concentré. Selon les chiffres du Parlement européen en 2015 : l’Allemagne, la France et la Belgique accueillaient à eux trois environ 50 % des travailleurs détachés.

Et au total, ​trois secteurs se partagent 63 % des salariés détachés en France. Avec près d’un tiers des détachements, l’industrie était le premier domaine à y faire appel en 2017 avec 137.707 salariés. En deuxième position, le BTP, avec 122.739 salariés détachés, et l’agriculture, qui en comptabilisait 67.522.

. Qu’apporte ce système ?

Du côté des pays « d’accueil » de ces travailleurs détachés, les entreprises demandeuses y trouvent deux avantages majeurs : ces salariés étrangers peuvent combler leurs pénuries de main-d’oeuvre, sur demande, de façon flexible. Et faire appel à eux restreint aussi les coûts car, jusqu’ici, en fonction des pays, les travailleurs détachés n’étaient pas sommés de toucher les mêmes rémunérations que leurs collègues locaux.

A cela s’ajoute une différence concernant les charges sociales. Elles sont à payer par les entreprises demandeuses dans les pays d’origine de ces travailleurs. Or, ces charges sociales peuvent y être plus basses qu’en France, parce que les systèmes de Sécurité sociale sont différents d’un pays à l’autre.

Pour les pays qui envoient un grand nombre de travailleurs, c’est notamment le cas de la Pologne, en première position, le détachement peut améliorer le niveau de vie du salarié étranger, une fois rentré chez lui. Son employeur, quant à lui, peut étendre son activité à toute l’Union européenne, multiplier les contrats et pour cet Etat pourvoyeur, c’est une façon de résorber son taux de chômage et d’atténuer un éventuel décalage économique avec les autres Etats de l’Union.

. Qu’impliquent les nouvelles dispositions imposées par l’Union européenne ?

En mars 2018, après deux ans d’intenses négociations pour réviser la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, les 28 Etats membres, le Parlement européen et la Commission se sont entendus pour mieux encadrer cette pratique.

Les pays de l’Union ont bénéficié de deux ans pour transposer ces règles à leur droit national, censées permettre, selon la ministre du Travail de « créer des conditions de concurrence équitables et de renforcer la protection des travailleurs détachés ».

Plus simplement : « A travail égal, rémunération égale ». Un salarié détaché devra désormais percevoir la même rémunération qu’un travailleur local réalisant les mêmes tâches. Jusqu’ici, l’entreprise devait simplement respecter le salaire minimum.

L’employeur aura également l’obligation de payer les éventuels frais de déplacement, d’hébergement et de séjour au lieu de les déduire du salaire des travailleurs. La période maximale de détachement a également été fixée à 12 mois au lieu de 24 auparavant, avec possibilité d’extension de 6 mois. Après cela, les règles de travail du pays d’accueil seront appliquées.

. Pourquoi la directive de 1996 était-elle contestée ?

Depuis l’ouverture de l’Union européenne en 2004 à des pays de l’Est aux salaires plus bas, la directive sur les travailleurs détachés était régulièrement accusée de favoriser le « dumping social », alors qu’elle était pourtant censée lui donner un cadre.

Aujourd’hui encore, une entreprise qui rémunère ses employés au salaire minimal français est toujours gagnante, compte tenu de l’écart entre le niveau de cotisations sociales en France et celui de pays comme la Roumanie.

Ce système fait aussi l’objet de nombreux détournements : non-déclaration des salariés, dépassement des durées maximales de travail, non-respect du salaire minimal, hébergement indigne. Et l’apparition de montages pour contourner la loi, avec des entreprises « boîte aux lettres », qui n’exercent pas d’activité réelle mais détachent des salariés à l’étranger.

. Quelle est la position de la France sur le travail détaché ?

L’application de ces nouvelles règles européennes intervient alors que les déclarations d’Elisabeth Borne sur le travail détaché se multiplient. « La persistance d’un recours massif au travail détaché dans certains secteurs est incompréhensible dans une période de fort chômage », a-t-elle revendiqué dans « Les Echos ».

La ministre, qui souhaite réduire le recours au travail détaché dans les secteurs les plus concernés, à savoir la construction, la production manufacturière et l’agriculture, a annoncé qu’un plan de « résorption sectoriel » serait mis en place d’ici à décembre.


myspotvip

Lorsque vous vous inscrivez et vous recevrez les meilleures offres de MySpotVip et vous recevrez également un guide d'ÉPARGNE.
Préparez-vous pour les offres VIP les plus exclusives et uniques!