Le dispositif fait partie des armes anti-inflation que l’exécutif entend dégainer à la fin du mois . Mais changera-t-il vraiment la donne pour les salariés ? Bercy travaille à la pérennisation et à l’amplification de la prime Macron, alors même que ses futures modalités suscitent des questions, voire de fortes réserves du côté des chefs d’entreprise censés la distribuer. « Au final, il y a le risque que le dispositif suscite de la déception, surtout au regard des promesses démesurées d’un Jean-Luc Mélenchon », juge une source patronale.
Née fin 2018 après la crise des « gilets jaunes », la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) – le nom officiel du dispositif – peut être versée par les entreprises à certains de leurs salariés (ceux rémunérés jusqu’à trois fois le SMIC). Jusqu’ici, le montant – défiscalisé et exonéré de charges patronales – pouvait atteindre 1.000 euros, voire 2.000 euros si l’employeur mettait en place un accord d’intéressement.
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a annoncé vouloir pérenniser cet outil temporaire censé s’éteindre cette année, et faire passer ce plafond à 6.000 euros. Tout ceci doit faire partie des mesures présentées juste après les législatives par l’exécutif s’il obtient une majorité.
Pérennisation bien accueillie
L’exécutif compte beaucoup sur ce dispositif, alors qu’il réclame au monde économique de prendre aussi sa part dans la lutte contre l’inflation et la défense du pouvoir d’achat . « En réalité, Bercy ne nous pousse pas trop pour des hausses de salaires. Leur préférence va plutôt pour des primes pour ne pas alimenter la spirale inflationniste, alors que tout le monde table sur un tassement de l’inflation à la fin de l’année », décrypte un représentant des chefs d’entreprise.
Le patronat voit plutôt d’un bon oeil la pérennisation de ce dispositif. Du côté du Medef, on réclame toutefois que le champ des salariés bénéficiaires soit élargi au-delà de ceux gagnant jusqu’à 3 SMIC. « Cette limite crée des distorsions dans certains secteurs comme le conseil ou dans l’industrie », explique-t-on. A Bercy, on juge qu’une telle réforme « n’est pas forcément la plus urgente ».
Du côté de la CPME, on réclame aussi « la possibilité que le paiement de la prime puisse être fractionné et que les sommes soient indexées sur des objectifs personnels », souligne Eric Chevée, son vice-président en charge des affaires sociales.
Montants maigres
Mais le montant des primes sera-t-il à la hauteur des enjeux ? « Nous ne sommes pas opposés à ce que le plafond soit relevé à 6.000 euros, mais les PME ne peuvent pas verser de tels montants », pointe Eric Chevée. « 6.000 euros pour tout le monde, ça n’est évidemment pas possible et ça pourrait générer des frustrations », renchérit une source patronale, qui rappelle que « les marges et la trésorerie se contractent dans beaucoup d’entreprises actuellement ».
De fait, le montant moyen de la prime Macron l’an dernier n’a été que de 506 euros , loin du premier plafond de 1.000 euros, et ce alors même que l’année 2021 a été marquée par une forte croissance pour les entreprises. Ce ne sera pas le cas cette année, loin de là, avec donc un risque que les primes soient bien maigres. Le patronat a craint à un moment qu’un montant minimum soit imposé par l’exécutif, mais Bercy écarte cette hypothèse.
Lien avec les dividendes
Surtout, le patronat s’inquiète beaucoup des promesses faites par Emmanuel Macron autour du « dividende salarié » . Le chef de l’Etat a annoncé vouloir obliger les entreprises qui versent des dividendes à octroyer dans le même temps de l’intéressement, de la participation ou cette fameuse prime Macron.
« Un tel dispositif n’est absolument pas adapté aux PME et aux entreprises patrimoniales, dont le modèle financier ou de rémunération des dirigeants peut être lié aux dividendes. Si on doit automatiquement verser des primes dans ces cas-là, ça va provoquer beaucoup de problèmes », souligne Eric Chevée.
Même inquiétude à l’Afep (qui regroupe les dirigeants des plus grosses entreprises françaises) ou au Medef, où l’on met en avant les problèmes que cela générerait pour les entreprises rachetées par LBO ou pour les filiales faisant remonter des dividendes à la maison mère.
« Si c’est juste une obligation de négocier un partage de la valeur, c’est gérable. Au-delà, ça devient compliqué », estime une source patronale. Une autre solution pourrait être de viser seulement les entreprises augmentant leurs dividendes d’une année sur l’autre.