Depuis des mois, le pouvoir d’achat caracole en tête des priorités des Français dans les sondages et cette tendance n’est visiblement pas proche de s’inverser. Car le pouvoir d’achat pourrait connaître cette année sa deuxième plus forte baisse en trente ans depuis le grand choc fiscal des années 2012-2013, si l’on en croit les prévisions économiques pour la France en 2022 publiées ce jeudi par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Ainsi l’OFCE s’attend à ce que cet indicateur « se contracte en moyenne de 0,8 % pour les ménages français, et ce malgré les mesures prises par le gouvernement, y compris la revalorisation des retraites de 4 % récemment annoncée », indique l’économiste Mathieu Plane, qui a dirigé l’étude du centre de recherche. Depuis 1990, il n’y a guère que durant les années 2012-2013 – avec les chocs fiscaux conduits sous Nicolas Sarkozy puis François Hollande – que la baisse avait été plus forte, supérieure à 1 %. Durant la crise sanitaire, le « quoi qu’il en coûte » avait anesthésié les effets de l’arrêt brutal de l’activité.
Consommation en berne
Cette situation résulte, bien entendu, de la flambée de l’inflation constatée depuis presque un an et attisée par la guerre en Ukraine. L’OFCE s’attend à ce que celle-ci atteigne 4,9 % en moyenne sur l’année, avec même une hausse des prix de 22 % pour les seuls produits énergétiques. « Sans les mesures spécifiques prises par le gouvernement (bouclier tarifaire, remise de 15 centimes sur les carburants etc.), l’inflation se serait établie à 7 % », précise Mathieu Plane.
Pour l’OFCE, il faut donc s’attendre à ce que « cette contraction du pouvoir d’achat pèse sur la dynamique de reprise à travers la faible dynamique de la consommation des ménages en l’absence de réduction du taux d’épargne dans un contexte marqué par de fortes incertitudes géopolitiques ».
De fait, au premier trimestre, les ménages ont réduit leur consommation (-1,5 %) et si celle-ci devrait augmenter de 2,5 % en 2022 en moyenne, le taux serait de 0 % en glissement annuel en fin d’année. Les Français ont par ailleurs peu de chance de puiser outre mesure dans leur bas de laine : le taux d’épargne pourrait atteindre 16,7 % en 2022, « soit 2 points au-dessus du niveau d’avant crise alors que l’épargne joue en général un rôle d’amortisseur pendant les crises », relève Mathieu Plane.
Retour au plein-emploi compromis
Dans ce contexte, l’OFCE table sur une croissance de 2,4 % cette année ( contre 2,7 % il y a quelques semaines , pour tenir compte de la dégradation de l’acquis de croissance opérée récemment par l’Insee ). Un ralentissement qui devrait enrayer l’embellie constatée sur le front de l’emploi depuis plusieurs mois avec un taux de chômage attendu stable à 7,3 % à la fin de l’année et une croissance de l’emploi de 0,6 %. « L’objectif d’un retour au plein-emploi va être difficile, nous avons mangé notre pain blanc », estime Eric Heyer, directeur à l’OFCE.
Logiquement, cet assombrissement des perspectives aura des conséquences sur les finances publiques. Le déficit est ainsi attendu à 5,6 % du PIB, contre 5 % prévu initialement. L’OFCE a évalué à 1,3 point de PIB le plan de résilience (indemnité inflation, remise de 15 centimes, bouclier tarifaire etc.) déjà présenté, et estime que le futur projet de loi sur le pouvoir d’achat (chèque alimentaire, indexation des prestations sociales, hausse du point d’indice des fonctionnaires anticipée à 2 points etc.) pourrait représenter 0,4 point de PIB. De quoi compliquer l’équation budgétaire.
« Envisager des baisses d’impôts structurelles ne semble pas une priorité absolue tant que les incertitudes sur la croissance ne sont pas levées », prévient Xavier Ragot, président de l’OFCE.