La mise en place d’un « reste à charge zéro » sur des soins prothétiques onéreux et mal remboursés, chez le dentiste, l’opticien ou l’audioprothésiste, était une promesse électorale du candidat Macron, pour faire progresser l’accès aux soins . Trois ans après son lancement par paliers, l’offre « 100 % Santé » est pleinement opérationnelle et commence à montrer des résultats satisfaisants, comme l’ont expliqué un panel de spécialistes invités à une réunion de l’Association des journalistes d’information sociale (Ajis), jeudi.
La réforme s’est achevée en janvier : tous les Français qui en ont besoin peuvent désormais s’équiper gratuitement en audioprothèses, même s’ils ne sont pas défavorisés. L’Assurance-maladie et les complémentaires santé prennent en charge le remboursement intégral pour des appareils valant jusqu’à 950 euros par oreille. Il est trop tôt pour un bilan dans l’auditif, mais le directeur de la Sécurité sociale, Franck Von Lennep, a fait remarquer que la part des équipements du panier 100 % Santé, pas encore intégralement remboursés en 2020, avait baissé de 13 % à 11,5 % des ventes l’année dernière – sans doute parce que les patients ont attendu l’entrée en vigueur de la réforme pour se faire soigner. L’attente est donc forte.
Les dentistes jouent le jeu
Le gouvernement peut, en revanche, d’ores et déjà se féliciter du succès de l’opération chez les dentistes, car 53 % des soins prothétiques sont déjà inclus dans le panier gratuit et 21 % dans un deuxième panier de soins « à reste à charge modéré ». « On peut considérer qu’on est déjà dans la cible de l’objectif de la réforme », a déclaré le haut fonctionnaire, en rappelant que le problème d’accès aux soins dentaires se concentre sur les gens qui ont des revenus modestes mais qui travaillent.
Depuis 2020, la couronne céramo-métallique, facturée en moyenne 542 euros, est par exemple intégralement remboursée. Selon Julie Pougheon, responsable de l’accès aux soins à la Caisse nationale d’assurance-maladie, la moitié des patients qui ont tiré parti du 100 % Santé l’année dernière n’étaient pas bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. « En dentaire, la pénétration est alignée sur nos prévisions, ce qui signifie que les professionnels jouent le jeu », reconnaît-elle.
C’est « un très gros succès » couplé à « une réforme d’envergure pour l’économie du cabinet dentaire », puisque les soins conservateurs ont été revalorisés , a acquiescé Albert Lautmann, le directeur général de la Mutualité française.
L’offre du pauvre chez l’opticien
En revanche, dans l’optique, seuls 14 % des verres sont vendus dans le cadre du 100 % Santé et 12 à 13 % des montures. Le panier gratuit comprend des lunettes à 95 euros (verres simples) ou 190 euros (progressifs). « Cette offre a trouvé sa place mais on peut en attendre un peu plus », a commenté Franck Von Lennep.
« Ce qui m’inquiète, c’est qu’une partie des opticiens peuvent être tentés de flécher cette offre vers les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, vers une offre bas de gamme, alors que c’est une offre extrêmement qualitative. Ce n’est pas l’offre du pauvre », a pointé Albert Lautman, qui se demande si « l’offre est bien mise en avant » dans les boutiques. Des soupçons que confirme Marianick Lambert, de France Assos Santé : « L’offre figure toujours sur le devis, mais souvent elle n’est ni expliquée, ni offerte », « pire, il existe des pratiques dénigrant » le 100 % Santé.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a commencé à inspecter les magasins d’optique et d’audition, avec 700 contrôles programmés afin de s’assurer que l’offre est systématiquement proposée, détaillée sur les devis, avec un minimum de choix. Par ailleurs, des enquêtes vont être menées directement auprès des patients.