« Contexte exceptionnel », « sans précédent », « conséquences massives », « chutes brutales », « bouleversées », « circonstances inédites » : rien que dans les dix premières lignes de son rapport traditionnel de juin, paru ce mardi, la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) a sans doute utilisé plus de superlatifs qu’elle ne l’avait fait dans la totalité des dix rapports précédents. Les chiffres semblent le justifier : le document confirme que la Sécurité sociale devrait voir son déficit s’envoler après la crise du coronavirus au niveau « historique » de 52 milliards d’euros en 2020. Et souligne, surtout, que la perte sera de 31,1 milliards pour la seule branche maladie. Cette dernière va « atteindre à elle seule un niveau de déficit comparable à celui de l’ensemble de la Sécurité sociale après la crise financière de 2008-2009 », est-il écrit dans le document.
Il y a une douzaine de jours, Gérald Darmanin avait déjà dessiné la trajectoire plongeante des comptes de la Sécurité sociale. La CCSS vient donc préciser la situation, avec un régime général qui « passerait d’une situation de quasi-équilibre en 2019 (-0,4 milliard) à un déficit de 50 milliards ». Si l’on rajoute la situation du fonds de solidarité vieillesse (FSV), on aboutit à un total de -52 milliards attendus pour 2020.
Nouveau record
« Le déficit 2020 serait près de deux fois supérieur à celui de 2010 » après le krach financier, est-il indiqué avec une dégradation de 50,1 milliards par rapport à 2019 « 3,5 fois supérieure à celle constatée en 2019 ». La CCSS rappelle que les derniers records sur les trente dernières années (-9,9 milliards en 2015, -13,6 milliards en 2005 et -28 milliards en 2010) sont sans commune mesure avec celui prévu cette année.
La détérioration vient donc avant tout de la branche maladie, qui verrait son déficit se creuser de près de 30 milliards d’une année sur l’autre. C’est la traduction des pertes de recettes qui touche l’ensemble du régime général, avec la chute attendue de 9,7 % de la masse salariale du secteur privé. Pour la branche maladie, cela se concrétiserait par une diminution de 6,9 % des cotisations sociales notamment. Par ailleurs, la chute des recettes de TVA (-14,3 % à cause de la moindre consommation) aura aussi des répercussions puisque cette taxe devient toujours plus importante pour les comptes de la branche.
Hausse brute des crédits
Mais sur le front des dépenses, à la différence des autres branches (retraites, famille, accidents du travail) qui sont peu affectées, la situation n’est pas meilleure. Les crédits de l’Assurance-maladie (Ondam) vont être augmentés de 8 milliards au total. Cela recouvre des mouvements à la hausse comme à la baisse très différents. En réalité, la hausse brute des crédits sera de 12 milliards. Ainsi 4,5 milliards ont été alloués à l’achat de masques (chirurgicaux ou FFP2), et 700 millions pour la prise en charge de tests diagnostiques.
Il s’agit également d’ajouter les 2,1 milliards mis sur la table pour financer les primes promises aux soignants et les heures supplémentaires des personnels hospitaliers et des Ehpad, et le milliard débloqué pour payer la réorganisation des établissements ou l’achat de matériels. Il faut aussi noter un surcoût de 2 milliards pour les indemnités journalières au titre des arrêts de travail, et 1,7 milliard de dépenses exceptionnelles (frais de distribution de masques dans les pharmacies, prise en charge à 100 % des téléconsultations etc.).
Economies conséquentes
A côté de cela, le confinement a aussi généré des économies conséquentes pour l’Assurance-maladie, avec des personnes arrêtant brutalement de consulter. Le document parle d’une baisse d’activité de 80 % sur un an pour les masseurs-kinésithérapeutes en avril, de 90 % pour les dentistes ou encore de 30 % pour les médecins généralistes malgré le succès des téléconsultations. En tout, la CCSS anticipe une moindre dépense de l’ordre de 5,4 milliards sur l’année (malgré un effet rattrapage attendu au deuxième semestre). Mais ces économies contraintes seront en partie compensées par une aide de 1,4 milliard débloquée pour aider les professionnels de santé qui n’ont pu travailler pendant deux mois.
En dehors de l’Assurance-maladie, toutes les autres branches seront également dans le rouge. Le déficit du régime général de retraite pourrait passer de -1,4 milliard en 2019 à -14,9 milliards cette année. Les branches accidents du travail et famille passeraient, elles, d’un excédent (respectivement de 1 et 1,5 milliard) à des trous de 700 millions et 3,1 milliards.