Ca ne finira donc jamais. La semaine dernière, aux Etats-Unis, le centre pour le contrôle des maladies (CDC) a recommandé que les personnes vaccinées remettent le masque, dans les espaces intérieurs des territoires les plus touchés par l’épidémie. Motif : alors qu’avec le virus historique ou le variant Alpha, les personnes vaccinées mais infectées n’étaient pas ou peu contagieuses, il semble qu’elles le soient devenues lorsqu’elles ont contracté le variant Delta.
Point important : le risque de contracter le virus quand on est vacciné reste beaucoup plus faible, y compris avec le variant Delta (et le risque de développer une forme grave encore plus faible). Mais la directrice du CDC, Rachelle Walensky, a expliqué à la presse américaine que les vaccinés infectés par Delta avaient dans leurs cavités nasales une quantité de virus « à peu près similaire à la quantité de virus chez les non-vaccinés ». La découverte date de quelques jours et doit encore faire l’objet de publications. C’est exactement le contraire de ce qu’avait affirmé mi-juillet Anthony Fauci, conseiller de la Maison-Blanche – le virus a changé, a-t-il dû admettre.
Une immunité en partie évaporée
C’est un sacré coup porté au moral des autorités sanitaires. En France, Emmanuel Macron a tout misé sur la ruée vers les vaccins depuis le 12 juillet, en rendant obligatoire le pass sanitaire pour l’accès aux restaurants et aux cinémas et en contraignant les soignants à recevoir leurs deux injections pour continuer à travailler.
Si les vaccins n’étaient pas efficaces contre la transmission, « nous n’aurions pas fait le pass sanitaire et la vaccination obligatoire », affirmait la semaine dernière le président du Conseil supérieur d’orientation de la stratégie vaccinale, Alain Fischer, dans « Les Echos » . Il évoquait des études israéliennes montrant que la vaccination réduisait d’environ 90 % le risque d’être porteur du virus au niveau de la sphère nasopharyngée. C’était avant Delta.
Las, d’autres études récentes ébranlent un peu plus la perspective d’un retour rapide à la normale. Selon le ministère de la Santé israélien , le vaccin Pfizer demeure très efficace contre le risque d’hospitalisation au bout de six mois de campagne vaccinale, mais la protection contre le risque d’infection n’est plus que de 39 %. Car l’immunité des personnes âgées vaccinées en janvier s’est en grande partie évaporée et le variant Delta s’est imposé dans le paysage.
Gare à la pression de sélection
Par ailleurs, dans Nature Scientific Reports , des scientifiques montrent que la vaccination rapide de la population protège contre l’apparition de nouveaux variants, mais qu’autour de 60 % d’adultes vaccinés, et jusqu’à l’atteinte de l’immunité collective, le risque a plutôt tendance à s’élever.
« Contre-intuitivement, quand les interventions non pharmaceutiques se relâchent au moment où la plupart des individus d’une population ont déjà été vaccinés, la probabilité d’émergence d’un variant résistant est grandement accrue », écrivent-ils. Coupables : l’abandon des gestes barrières, mais aussi la « pression de sélection » exercée par les mutants qui résistent le mieux aux anticorps.
En France, plus de 60 % de la population éligible est primo-vaccinée, ce qui doit inciter à accélérer. D’autant que le relâchement des gestes barrières se constate un peu partout, même si certaines communes envahies de vacanciers ont réimposé le port du masque . Selon Santé publique France, en juillet, 68 % des sondés déclarent porter systématiquement le masque en public, soit 14 points de moins qu’en mai. 62 % évitent de serrer des mains ou d’embrasser (-10 points) et 32 % évitent les réunions en face à face (-11 points).
Le virus galope
Le déconfinement a créé de nouvelles occasions de transmettre le virus. Ainsi, la semaine dernière, dans le cadre du traçage des cas-contacts par l’Assurance-maladie, près de 3.000 personnes infectées par le coronavirus ont déclaré avoir fréquenté un bar ou une boîte de nuit . Ce nombre a augmenté de 87 % sur une semaine, alors que le pass sanitaire a été imposé le 21 juillet dans ces lieux. Cette progression reste cependant inférieure à celle du nombre de cas positifs, en hausse de 115 % sur la même période.
De manière plus générale, le virus continue à galoper, avec huit nouveaux cas sur dix porteurs du variant Delta bien plus contagieux. L’incidence dépasse désormais 200 cas pour 100.000 habitants au niveau national, avec des niveaux très élevés sur le littoral aquitain et les abords de la Méditerranée. L’épidémie fait rage chez les jeunes générations moins vaccinées, à plus de 630 cas pour 100.000 personnes âgées de 20-29 ans. Le seuil de 1.000 personnes en soin critique a été franchi la semaine dernière et les décès sont repartis à la hausse.
Heureusement, la vaccination et la jeunesse améliorent le pronostic d’une partie des personnes infectées. Ainsi, selon des données publiées vendredi par le ministère de la Santé portant sur la période du 31 mai au 11 juillet, les personnes complètement vaccinées ne représentaient que 7 % des admissions en soins critiques pour Covid, et 12 % des décès.
Pour un million de personnes non vaccinées, 132 ont été hospitalisées sur cette période, quand 35 ont été admises en réanimation et 17 sont décédées. Sur un million habitants totalement vaccinés, le nombre de personnes hospitalisées tombe à 16 et le nombre de décès à 3.
Dans les tranches 20-29 et 30-39 ans, 98 % des admis en soins critiques n’étaient pas vaccinés ou seulement en partie et aucun vacciné complet ne décédait. La photographie est légèrement différente chez les octogénaires, avec 9 % de vaccinés parmi les cas en soins critiques, et 14 % parmi les décès. Mais c’est aussi parce qu’ils sont beaucoup plus nombreux à être vaccinés que les jeunes.