La semaine dernière, Bruno Le Maire alertait sur « la cote d’alerte pour les finances publiques ». Un jugement auquel devrait souscrire la Cour des comptes sans trop de difficultés. C’est ce qui ressort du rapport sur les comptes de l’Etat en 2021 publié ce lundi, qui pointe au passage la responsabilité de l’actuel ministre de l’Economie sous le quinquennat précédent au vu de la forte croissance des dépenses sans lien avec la pandémie l’an dernier.
« Les recettes de l’exercice ne couvrent qu’à peine 60 % des dépenses. Ainsi, à compter du début du mois d’août 2021, l’Etat a financé ses dépenses par un accroissement de la dette », écrivent les magistrats financiers.
Niveau record
D’une crise l’autre, ce document jette un regard rétrospectif sur les conséquences du Covid sur les comptes publics, au moment où ces derniers doivent aussi supporter cette année le poids du coût des mesures pour contrer les effets de l’inflation . Forcément, après deux années de « quoi qu’il en coûte », les finances de l’Etat n’abordent pas cette nouvelle crise dans une situation enviable.
Ainsi, après une deuxième année de crise sanitaire, le déficit budgétaire s’est établi l’an dernier à 170,7 milliards d’euros. La Cour relève que c’est « en légère baisse par rapport au niveau de 2020 (178,1 milliards) mais toujours très supérieur à celui de 2019 (92,7 milliards) ». Surtout les magistrats montrent que ce solde représente 6,9 % du PIB, soit un niveau très proche de celui qu’on avait pu observer en 2009 (7,1 %) après la grande crise financière.
Nouvelle forte croissance des dépenses
Du coup, le besoin de financement de l’Etat – qui dicte les émissions de dette – s’est établi à un niveau (à 285,2 milliards) « largement supérieur à celui constaté sur la décennie 2010-2019, ainsi que lors du précédent pic relevé lors de la crise de 2009 ».
Cette tension sur les comptes publics doit beaucoup à une nouvelle forte croissance des dépenses, soit 37,1 milliards en plus par rapport à 2020 qui avait déjà été marquée par une grosse augmentation (+53,6 milliards). Certes, il a fallu maintenir les mesures d’urgence pour contrer les effets de la crise économique provoquée par la situation sanitaire, pour un coût estimé à 44,7 milliards par la Cour (49,7 milliards en 2020). A cela, il a fallu aussi ajouter les mesures de relance qui « ont connu une montée en charge en 2021 » (19,6 milliards).
Charge de la dette en hausse
Mais les magistrats financiers notent également que « les dépenses du budget général hors mesures de soutien et de relance ont connu une progression rapide en 2021, de 17,6 milliards (+5,1 %) à périmètre constant ». Or cette hausse se révèle plus forte que celle déjà constatée en 2020, qui avait déjà fait tiquer la Cour.
Les vannes budgétaires sont donc restées ouvertes pour bien d’autres raisons que la crise sanitaire, la Cour mettant notamment en avant le coût de l’indemnité inflation (3,3 milliards) ou « la montée en charge de la loi de programmation militaire » (2,7 milliards).
L’Etat a également dû faire face à une hausse de la facture du coût de son endettement, avec un « ressaut de la charge de la dette pour la première fois depuis 2011 ». Une évolution qui s’explique largement par les effets de la hausse des prix – une partie des obligations d’Etat est indexée sur l’inflation – et qui donne un avant-goût de la hausse bien plus forte encore attendue en 2022 .
Face à ces hausses, l’Etat a pu compter sur des recettes qui ont « bénéficié du rebond de l’économie » et qui se révèlent bien plus fortes que ce qui était attendu. C’est particulièrement le cas pour les rentrées fiscales : malgré l’entrée en vigueur de nouvelles mesures de baisse (taxe d’habitation, impôt sur les sociétés), elles ont atteint le niveau de 295,7 milliards d’euros, le plus haut constaté par la Cour sur les vingt dernières années.