Est-ce que cette fois, c’est la bonne ? Avec deux ans de retard, et après 5 reports successifs , la grande réforme des APL promise par le gouvernement depuis le début du quinquennat devrait enfin entrer en vigueur l’an prochain. « On va aller jusqu’au bout », a promis Emmanuelle Wargon, la ministre du Logement, dans une interview au « Parisien ». Avec à la clé 700 millions d’euros d’économies pour le budget de l’Etat, selon nos informations.
A partir du 1er janvier 2021, les 6 millions d’allocataires des APL (aides personnalisées au logement) vont donc devoir se familiariser avec la « contemporanéisation » de leur prestation, le maître mot de la réforme. Alors que celle-ci était jusqu’à présent calculée sur la base des revenus perçus il y a 2 ans, ce sont désormais les 12 derniers mois glissants qui feront référence. « Un célibataire qui gagnait 1.000 euros mensuels en 2019, puis 1.100 euros en 2020, verra ses APL baisser progressivement et sur un an de 77 à 44 euros mensuels. A l’inverse, un salarié qui connaît une période de chômage partiel d’avril à août 2020 verra ses APL augmenter d’environ 30 euros par mois », a avancé Emmanuelle Wargon pour illustrer les effets de ce « mode de calcul […] en temps réel ».
Répercussions budgétaires
Ces deux ans de retard vont toutefois avoir des répercussions sonnantes et trébuchantes. Même si Bercy vante avant toute chose une « réforme de justice sociale et de simplification pour les allocataires », celle-ci avait aussi le mérite de générer beaucoup d’économies pour le budget de l’Etat. Du fait d’un ajustement plus rapide aux revenus et aux situations professionnelles de chacun, l’exécutif espérait un temps au moins 1,2 milliard d’euros d’économies, objectif ramené ensuite à 1 milliard. La gauche dénonçait une mesure faisant de nombreux perdants.
Quel que soit le chiffre initial, Bercy doit réviser ses ambitions à la baisse, avec des économies qui devraient donc plutôt avoisiner 700 millions. Après la crise économique provoquée par le coronavirus, l’exécutif s’attend en effet à « ce qu’un nombre plus élevé de bénéficiaires voient leur APL augmenter », a expliqué Emmanuelle Wargon, réduisant d’autant les économies. Par ailleurs, les étudiants passeront à « un forfait », ce qui sera « avantageux pour ceux qui travaillent à mi-temps, par exemple ». Ces 700 millions seront toutefois bienvenus pour le gouvernement, qui a vu s’évanouir beaucoup de pistes (report de la réforme de l’Unédic, pas de coupes dans les effectifs publics, etc.) pour contenir un déficit gonflé par la crise .
Chantier technique
Le retard accumulé aura en revanche peut-être permis à l’exécutif de résoudre les nombreux problèmes techniques qui ont émaillé ce chantier depuis des mois. Ce sont eux qui expliquent quatre des cinq reports – le dernier se justifiant par le fait que la réforme ne pouvait entrer en vigueur en avril dernier, en pleine crise sanitaire. Pour mettre en place cette « contemporanéisation », il fallait passer par une refonte totale du système d’information de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), avec des transferts automatiques des données provenant de plusieurs acteurs (fisc, Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, Mutualité sociale agricole, etc.).
Fin 2019, l’exécutif avait décidé un report en urgence devant le manque de fiabilité des nouvelles procédures. « C’est une réforme très périlleuse techniquement, on ne peut pas se rater en pleine crise économique et sanitaire », reconnaît une source gouvernementale.