L’inquiétante dégradation de la compétitivité française

La part de l'Hexagone dans les exportations de la zone euro est passée de 13,9 % en 2019 à 12,7 % en 2020, selon une étude de l'institut Rexecode publiée mercredi. Avec la crise du Covid, l'industrie tricolore a encore perdu du terrain.


Picture taken on October 23, 2012 in Toulouse, southern France, of an Airbus long-haul plane A350 XWB (eXtra Wide Body) under construction at the A350 at the airbus European aircraft maker final assembly line (FAL) plant. AFP PHOTO REMY GABALDA (Photo by REMY GABALDA / AFP)

Les inquiétudes renaissent quant à la compétitivité du tissu productif français. Le Covid, la crise économique et les désorganisations des chaînes de production ont touché tous les pays européens en 2020. Mais la France semble avoir particulièrement souffert . Sa part dans les exportations de biens de la zone euro a en effet beaucoup baissé, selon une étude de l’institut Rexecode publiée mercredi. Celle-ci a diminué de 1,2 point entre 2019 et 2020, passant de 13,9 % à 12,7 %. L’Allemagne, l’Espagne, et l’Italie ont, eux, vu leur part de marché se stabiliser. Parallèlement, le déficit commercial de l’Hexagone s’est creusé de plus de 7 milliards d’euros en 2020, atteignant 65 milliards d’euros.

Quand on inclut les services à ces chiffres, le constat est le même. Les exportations de biens et services de la zone euro ont reculé de 13,2 % l’an passé alors que celles de la France ont plongé de 19,3 %. Si la part de marché de la France s’était maintenue en 2020 à son niveau de l’année précédente, les exportations auraient été supérieures de 46 milliards d’euros à ce qu’elles ont été. Ce qui est loin d’être négligeable.

Une année exceptionnelle

« C’est une année exceptionnelle et il est très difficile d’en tirer des conclusions définitives à ce stade », relativise Emmanuel Jessua, le directeur des études chez Rexecode. Mais « l’explication la plus souvent avancée, à savoir la spécialisation sectorielle de la France, ne tient pas », poursuit-il. « Les exportations aéronautiques françaises ont plus baissé que celles de nos voisins et les pertes de parts de marché s’observent dans toutes les catégories de produits. Il pourrait donc y avoir un facteur plus profond, sans que nous puissions encore trancher ».

La part de marché de l'Hexagone a diminué de 1,2 point entre 2019 et 2020, passant de 13,9 % à 12,7 % des exportations de la zone euro.
La part de marché de l’Hexagone a diminué de 1,2 point entre 2019 et 2020, passant de 13,9 % à 12,7 % des exportations de la zone euro.

Les restrictions sanitaires ne permettent pas non plus d’expliquer la contre-performance française. L’Italie et l’Espagne ont pris des mesures de distanciations sociales plus strictes que l’Hexagone sans avoir enregistré de pertes de parts de marché. Cela suggère donc une fragilité générale en 2020 de l’appareil productif français.

« C’est inquiétant parce que nous pensions avoir sorti la tête de l’eau ces trois dernières années en ayant stabilisé nos parts de marché, voire en les ayant légèrement augmentées. Nous avions réussi à recoller à l’Allemagne en termes de coûts salariaux par unité produite », souligne Emmanuel Jessua. « La crise du Covid est peut-être un moment où l’industrie française va encore descendre une marche d’escalier », selon le directeur des études de Rexecode, qui craint une nouvelle phase de désindustrialisation dans les prochaines années.

Ajustements à venir

« Si la dégradation de notre compétitivité continue, il y aura nécessairement une force de rappel. L’impossibilité de financer les déficits avec une croissance qui sera probablement encore plus faible après la crise – qui laissera des cicatrices sur le tissu productif – nous ramènera à la réalité », prévoit Emmanuel Jessua. « Avec un déficit public important, un déficit extérieur qui se creuse et des dépenses publiques très élevées, la France est un pays de plus en plus atypique dans la zone euro. Il nous reste à définir un modèle de croissance durable pour la France », estime l’économiste.

Pour éviter l’ajustement brutal des salaires et des dépenses publiques , une autre solution est possible, qu’exposent dans une étude Thomas Grjebine et François Geerolf, deux économistes du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). Elle reviendrait à ce que « la France et les pays du sud de l’Europe négocient un rééquilibrage durable de la demande au sein de la zone euro. Pour cela, il faudrait que les pays en surplus commercial, et notamment l’Allemagne, acceptent de relancer leur demande de façon pérenne ». Mais la réalité du rapport de force en Europe éloigne un peu plus chaque année cette possibilité.


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