C’est fait. La justice a validé l’accord qui permet à McDonald’s d’éviter un procès et de clore l’enquête pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée » à son encontre. Le géant américain de restauration rapide va payer une amende de 1,245 milliard d’euros à l’Etat pour avoir minoré son résultat, et donc l’impôt qu’il a réglé au fisc.
Alors même que c’est une plainte déposée au nom du comité d’entreprise de McDonald’s Ouest parisien qui est à l’origine de l’enquête, « l’Etat y trouve son compte mais quid des salariés », interroge Gilles Bombard, ancien secrétaire du CSE et numéro un de la CGT McDonald’s Ile-de-France. Une situation dénoncée aussi sur Twitter par Sophie Binet, la numéro un de l’Union des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict) CGT, en pointe sur le sujet .
Quand la #CGT fait gagner 1.2 milliards d'euros au fisc français…Le juge nous a bien remerciés ce matin, il a juste oublié de prévoir une réparation pour les salarié.e.s de Mc Do privés de participation pendant 10 ans…Rdv aux prudhommes !✊✊✊https://t.co/nKMVNRVmaU
— Sophie Binet (@BinetSophie) June 16, 2022
Une minoration du résultat n’a en effet pas qu’une incidence sur les impôts versés mais aussi sur la participation obligatoire pour les salariés des entreprises de 50 salariés ou plus. L’argument n’est pas nouveau mais peine à produire des résultats. Cela fait plusieurs années que les syndicats cherchent la faille contre l’optimisation fiscale par ce biais. A la rentrée, la CGT va constituer un collectif qui sera mené par Anne de Haro, de l’UGICT.
Une jurisprudence en défaveur des salariés
Cette cégétiste, avec les autres élus de WKF, a exploré la voie de la justice civile. La piste n’a pas – en tout cas pas encore – produit l’effet escompté puisque ce contentieux s’est soldé il y a quatre ans par une défaite. En février 2018, la Cour de cassation a déjugé la Cour d’appel de Versailles. « Quand bien même l’action des syndicats était fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de la société », la société WKF n’avait pas à être condamnée car « le calcul de la réserve spéciale de participation […] avait été certifié par une attestation du commissaire aux comptes de la société dont les syndicats ne contestent pas la sincérité », ont affirmé les hauts magistrats.
La piste de la « fraude aux droits des salariés au titre de la participation » n’a pas fini d’être explorée. Sur le terrain, des équipes syndicales _ CFE-CGC chez Xerox , Sud avec l’appui de la CFE-CGC chez GE – tentent de contrer l’argument. Mais l’issue reste incertaine.
Si la jurisprudence de la Cour de cassation ferme, au moins pour l’instant, cette porte, pas sûr cependant que les entreprises y gagnent car l’affaire Mc Donald’s ouvre une autre voie bien plus radicale que la fraude à la participation: celle de l’accusation de « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée » qui pourrait être désormais privilégiée par les syndicats.
Le feuilleton va se poursuivre
« Il n’y a pas de fatalité, un front nouveau s’ouvre » et il « permet de contourner le verrou de Bercy », se félicite Gilles Bombard. « On a une belle décision », souligne-t-il même s’il regrette que les représentants des salariés, à l’origine de la plainte, « n’aient jamais été mis dans la boucle de la procédure alors qu’elle a donné lieu à une douzaine de gardes à vue et une trentaine de réunions » et que l’accord ait empêché la tenue d’une « vraie audience devant le tribunal correctionnel » où ils se seraient constitués partie civile.
L’avocat de McDonald France, Denis Chemla, a affirmé à la sortie de l’audience, jeudi, que l’accord homologué était « sans reconnaissance de faits, sans reconnaissance de culpabilité », mais le feuilleton va se poursuivre.
La CGT, en s’appuyant sur cette décision, va examiner les possibilités de recours juridique concernant le manque à gagner sur la participation. Deux voies pourraient se dessiner : un recours pour faire reconnaître l’existence du préjudice pour l’ensemble du personnel mais qui ne permettrait pas une indemnisation de chacun des salariés concernés en cas de condamnation de McDonald’s. Ou le lancement de recours individuels.