Pendant trois mois, le gouvernement a expliqué qu’il préférait prendre son temps avant de dévoiler son plan de relance . Mais maintenant qu’il est officiellement présenté depuis ce jeudi, il s’agirait de ne plus traîner en route. A presque dix-huit mois de l’élection présidentielle, le gouvernement veut changer de tempo pour faire en sorte que cet effort de 100 milliards d’euros « d’une ampleur historique » – dixit Jean Castex – produise rapidement des effets sur l’économie française et dégage l’horizon politique d’Emmanuel Macron. Le Premier ministre a ainsi promis lors des annonces « des effets concrets et perceptibles pour le plus grand nombre ».
Toute l’équipe gouvernementale aura sans doute les yeux rivés dans les prochaines semaines sur la courbe du taux de chômage. Les prévisions font état d’un taux repassant au-dessus du seuil de 10 % dans les prochains mois sous l’effet des faillites post-Covid. Interrogé sur RTL, le Premier ministre a évoqué le chiffre de 160.000 créations d’emplois en 2021 grâce au plan de relance – le chiffre de 200.000 était même évoqué la veille par Bercy , où l’on espère que le chômage repassera sous la barre des 10 % début 2022, à quelques mois des échéances électorales.
Coup de fouet
Pour remonter la pente de l’emploi, il faudra donc compter sur un coup de fouet pour l’activité économique française. Le gouvernement dit maintenant tabler, grâce au plan de relance, sur un gain immédiat de croissance de 1,5 point de PIB étalé entre 2020 et 2021, dont une grande partie fera sentir ses effets l’an prochain.
Bercy va donc revoir ses prévisions pour s’adapter à cette nouvelle donne : la tendance est ainsi à réduire le niveau de la récession attendue cette année (-11 % selon les prévisions du début de l’été). Cette moindre récession atténuera l’effet rebond pour l’an prochain, mais le plan de relance devrait malgré tout gonfler les voiles – Bercy espérait il y a quelques semaines +8 % en 2021.
Le tout sans faire repartir à la hausse les émissions de gaz à effet de serre, jurent les responsables gouvernementaux : les diverses mesures promises – rénovation énergétique des bâtiments, décarbonation de sites industriels, aides aux transports en commun, etc. – sont censées générer à terme des économies de 57 millions de tonnes de CO2.
Pari pro-entreprises
« Ce plan de relance est cohérent avec la politique menée depuis 2017 », a défendu Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie. De fait, ce plan de relance est en grande partie un grand plan d’investissement qui devrait bénéficier à l’appareil productif. L’exécutif fait donc un pari pro-entreprises, qui réveille des clivages anciens au sein de la classe politique. « C’est une bonne chose d’insister sur la compétitivité », souligne Eric Woerth (LR), qui annonce d’ores et déjà qu’il va voter le plan. Le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale note en revanche « l’absence totale de pistes sur le financement » et regrette que « cela occulte totalement la question des réformes structurelles ». A cela, Jean Castex a seulement répondu que « l’impact sur le ratio de dette [du plan] sera presque entièrement résorbé à partir de 2025 ».
A gauche, l’accueil est bien plus tiède. Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV, a brocardé « un plan de relance à l’ancienne » pas assez vert, tandis qu’Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a dénoncé des aides « pour les entreprises carbonées ». « Ce plan arrive trop tardivement et ne peut pas être qualifié de plan de relance puisqu’il oublie complètement la demande, à tort. Surtout aucune contrepartie n’est imposée aux aides versées aux entreprises », renchérit Valérie Rabault, présidente du groupe socialiste à l’Assemblée.
« Je ne suis pas favorable à des conditionnalités qui seraient un frein à l’exécution. En revanche je suis favorable à des contreparties », a répondu Bruno Le Maire. Dans le cadre des garanties ou des subventions apportées aux entreprises, elles auraient trait à des engagements environnementaux, sur la gouvernance (avec l’égalité hommes-femmes) et sur l’intéressement et la participation. En revanche, la baisse des impôts de production n’est pas concernée, le gouvernement pariant que la mesure entraînera un rebond de l’emploi. « Le bénéfice de l’intérêt du pays rejoint celui des entreprises », assure Jean Castex.