Pour 100 briques, t’as plus rien ? Avec la présentation ce jeudi du très attendu plan de relance de 100 milliards d’euros, le Premier ministre, Jean Castex, va tenter de démentir cet adage cinématographique et surtout les critiques qui émergent sur sa stratégie économique post-Covid. Même si le voisin allemand a dégainé plus vite et plus fort (130 milliards d’euros mis sur la table il y a 3 mois), l’exécutif défend « un plan d’une ampleur historique ».
« Cela représente deux fois plus que ce qui a été engagé après la crise de 2008. Et il n’a pas d’équivalent actuellement en Europe si l’on rapporte notre effort à la richesse nationale (4 à 4,5 points de PIB), contre 3,7 % pour l’Allemagne », avance-t-on à Matignon. De quoi faire espérer au gouvernement un retour du PIB à son niveau d’avant crise en 2022 et surtout la création directe de 200.000 emplois l’an prochain.
« France Relance »
Il faut donc s’attendre à voir fleurir dans les prochaines semaines le label « France Relance », l’intitulé officiel d’un plan « censé préparer la France à l’horizon 2030 », selon l’élément de langage répété par les têtes pensantes de l’exécutif depuis quelques jours. « Nous avons fait le choix stratégique que ce plan soit avant tout un plan d’investissement. Il aurait été beaucoup plus facile politiquement de faire du soutien à la demande, de promettre une baisse du taux de TVA au coût exorbitant. Mais nous n’aurions pas préparé la France aux défis du XXIe siècle », justifie le ministre des Finances, Bruno Le Maire, à la manoeuvre de ce plan depuis le printemps.
Autant dire que Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, ne devrait pas voir son voeu d’un « chèque relance » exaucé pour le moment, les coups de pouce sur la demande restant concentrés sur des dispositifs plus ciblés (comme la prime pour l’achat d’un véhicule électrique).
Retournement sémantique
Pour le reste, dans un curieux retournement sémantique, le traditionnel temple de l’orthodoxie budgétaire qu’est Bercy promet que « le temps de la dépense publique est venu ». Celui-ci va se déverser à part quasi égales dans trois directions différentes . Il y aura d’abord 30 milliards d’euros pour la transition énergétique. Une partie de cette somme (7 milliards) ira à la rénovation énergétique des bâtiments. Le gouvernement promet également 4,7 milliards pour la SNCF (petites lignes, fret, trains de nuit) et 1,2 milliard pour les transports du quotidien (notamment le vélo).
Deuxième poste de dépenses, il est prévu environ 35 milliards pour la compétitivité des entreprises et la relocalisation industrielle. La baisse des impôts de production (20 milliards sur deux ans) concentre une grosse part de l’enveloppe. Sont aussi prévus 3 milliards pour renforcer les fonds propres des entreprises fragilisées par la crise et 1 milliard pour des investissements liés à l’innovation ou la relocalisation. L’exécutif prévoit également d’y affecter 11 milliards d’euros du Programme d’investissements d’avenir (PIA) déjà lancé.
Plan jeunes
Enfin, la troisième catégorie de dépenses aura trait aux compétences et à la solidarité. On y retrouvera les 6,5 milliards du plan jeunes pour l’emploi , les 6,6 milliards budgétés pour le chômage partiel, les 5,2 milliards d’aides aux collectivités locales et 6 milliards d’investissement pour les hôpitaux liés au « Ségur de la santé » .
Cette nouvelle corne d’abondance budgétaire vise à remettre sur pied une économie terrassée par le coronavirus. L’exécutif juge que la crise sanitaire va faire perdre au final 4 points de PIB à la France et le plan de relance est censé effacer cette perte d’ici à 2022. Mieux, le potentiel de croissance du pays – hors effets de la conjoncture – doit sortir musclé par ce remède « France Relance » : Bercy a calculé un impact de 1 point de croissance potentielle en plus à l’horizon de dix ans. Cela devrait permettre de contenir la dette à 120 % du PIB jusqu’en 2025, avant une éventuelle décrue.
Hémorragie sur l’emploi
Avec ce coup de fouet à l’activité, l’exécutif cherche également à juguler l’hémorragie sur l’emploi. Environ 800.000 postes devraient être supprimés cette année, et il est fait l’hypothèse que la moitié de cette perte sera effacée l’an prochain (200.000 emplois grâce au rebond de croissance, 200.000 grâce au plan de relance).
« Le taux de chômage devrait dépasser le seuil de 10 % dans les mois à venir. Revenir sous ce seuil à l’horizon 2022 est l’objectif », avance-t-on à Bercy. Une promesse qui devrait nourrir la future campagne présidentielle.
