Ce n’est encore qu’une esquisse, mais l’étude présentée par l’Unédic à son conseil d’administration sur « les effets d’une variation de la réglementation d’assurance-chômage » en fonction de la conjoncture présente un double mérite : montrer que la réforme, telle que voulue par le gouvernement, n’est pas si simple à mettre en oeuvre, et produire quelques chiffrages sur les conséquences pour les chômeurs. Autant d’arguments que les syndicats, unanimement opposés à cette perspective , ne manqueront pas de soulever ce lundi, jour de début de la concertation avec le ministère du Travail.
Le document, auquel « Les Echos » ont eu accès, rappelle l’objectif poursuivi par l’exécutif : la « contracyclicité » des règles d’indemnisation doit « assurer une meilleure protection lorsque la conjoncture est dégradée, et inciter au retour à l’emploi en cas de situation favorable sur le marché du travail ». « Les nouvelles règles inciteront mieux à la reprise d’activité », a défendu le ministre du Travail, Olivier Dussopt dans une interview au « Figaro ».
Comme le veut ce genre d’exercice, l’étude de l’Unédic n’évalue pas cet effet emploi, faute de pouvoir anticiper les changements de comportements des chômeurs induits par telle ou telle modification de paramètres d’indemnisation. Son analyse est d’abord juridique, pratique ensuite.
Une dizaine d’indicateurs possibles
Il en ressort d’abord qu’une application différenciée de la réforme dans les territoires ultramarins est permise par la loi. En revanche, le choix de l’indicateur économique dont l’évolution traduira le passage à un état favorable ou défavorable du marché du travail « pourrait nécessiter une base légale […] en ce sens qu’elle introduit un nouveau critère de variation ». Actuellement, la loi ne permet de modulation qu’en fonction de l’âge, de l’activité antérieure ou du suivi d’une formation.
L’Unédic liste une dizaine d’indicateurs possibles – taux de chômage, croissance du PIB, déclarations d’embauches, difficultés de recrutement… – avec pour chacun ses limites. Le plat de résistance arrive après avec les cinq paramètres candidats à modulation.
Paramètre numéro un, dit d’éligibilité : augmenter le nombre de mois minimum pour bénéficier d’une indemnisation, de six à huit selon l’exemple retenu en l’espèce. Les effets seraient semblables à ceux de la réforme de 2019 (entrée en vigueur fin 2021, NDLR) quand on est passé de quatre à six : une hausse d’un mois diminuerait de 100.000 environ le nombre d’ouvertures de droits par an, de 200.000 si on baisse de deux mois et ainsi de suite jusqu’à dix mois.
« Les fins de CDD et d’intérim, les moins qualifiés et les jeunes seront les plus concernés », indique l’étude. La montée en charge d’une telle mesure serait très rapide. A contrario, une baisse d’un mois de d’affiliation requise (en cas de situation défavorable donc), engendrerait environ 100.000 ouvertures de droits supplémentaires.
Le deuxième paramètre, qui a les faveurs du Medef , porte sur la période de référence d’affiliation, c’est-à-dire la période antérieure à la fin de contrat dans laquelle sont recherchés les mois minimums pour ouvrir des droits. Là, l’Unédic botte en touche, les effets étant complexes à évaluer car tout dépend de la répartition des périodes travaillées ou non et des niveaux de salaires perçus.
Point très épineux
La note soulève toutefois un point très épineux si le gouvernement choisit de faire évoluer ces deux paramètres, en passant par exemple de 6 mois sur 24 comme actuellement à 8 mois sur 18. Quel événement retenir en effet pour déterminer si le chômeur est assujetti aux conditions favorables ou défavorables sachant que les dates de fin de contrat, d’inscription à Pôle emploi ou de rechargement des droits peuvent être différentes et donc intervenir lors de conjonctures différentes ?
La note ne s’étend pas sur la durée maximale d’indemnisation, troisième paramètre candidat à évoluer, pourtant celui qu’Olivier Dussopt met souvent en avant, de même que Marc Ferracci, le député Renaissance et rapporteur du projet de loi ouvrant la voie à la réforme. La durée maximale est actuellement de 24, 30 ou 36 mois selon l’âge et, bien évidemment, seuls les chômeurs qui peuvent l’atteindre seraient concernés par la modulation.
Des milliards d’économies
Le quatrième paramètre, lui, concernerait tous les demandeurs d’emploi puisqu’il s’agit de faire varier le coefficient appliqué à l’amplitude entre les premiers et derniers jours travaillés. Il est actuellement de 1, ce qui signifie qu’une amplitude de 18 mois donne droit à 18 mois d’indemnisation. Le passer à moins de 1 – 0,8 dans l’exemple retenu – aurait donc un effet à la fois sur la durée minimale (sauf à instaurer un plancher) et maximale d’indemnisation.
En régime de croisière, au bout de cinq ans environ, le nombre de fins de droits pourrait augmenter de 100.000 à 300.000 en fonction du taux de conversion retenu et les économies se chiffrer en milliards.
Dernier paramètre candidat à modulation, enfin, le prolongement de la couverture en cas de crise, comme cela a été le cas lors du Covid, lorsque le chômeur est arrivé en bout de course. Au-delà du nombre de mois supplémentaires et de la nature juridique de ce supplément, plusieurs questions se posent. Il s’agit notamment de savoir si cet extra peut reprendre ou pas en cas d’interruption, liée à la reprise d’une activité.