Attention dossier brûlant. La volonté affichée par Emmanuel Macron la semaine dernière dans le Lot de relancer la réforme des retraites, suspendue en mars 2020 par la crise sanitaire, divise au sein de la majorité.
D’un côté, le président affiche sa détermination à réformer « jusqu’au dernier quart d’heure ». « La crise sanitaire a montré que les Français n’étaient pas tous égaux devant le modèle social, donc la réforme des retraites est inéluctable pour beaucoup », se félicite le député LREM Roland Lescure, et président de la Commission des affaires économiques à l’Assemblée. Ce week-end, les ministres Bruno Le Maire et Olivier Véran sont montés au front, le premier faisant de la réforme une « priorité » et le second une « nécessité absolue ».
De l’autre, la perspective de faire revenir à la rentrée un dossier qui a enflammé le pays, en pleine campagne présidentielle , est pourtant loin de susciter l’unanimité. Emmanuel Macron a déjà mis des garde-fous en précisant que la réforme de 2020, qui a fait l’objet de plusieurs mois de contestation sociale intense, ne serait pas reprise « en l’état ».
Entre la réforme « systémique » marquée par la fin des régimes spéciaux, promesse de campagne de 2017, et des mesures d’économie, les contours de la volonté présidentielle restent flous .
Prochain quinquennat
A dix mois de la présidentielle, beaucoup estiment qu’il est trop tard pour relancer une réforme aussi sensible. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, a estimé fin mai dans une interview à « Paris Match » que c’était un « chantier pour le début d’un prochain quinquennat ». Christophe Castaner, le patron des députés LREM, plaide pour sa part pour associer réforme des retraites et plan autonomie . Olivier Véran est resté vague ce week-end, jugeant « qu’il nous reste quelques mois et cinq ans supplémentaires. Donc les réformes ne vont pas s’arrêter en janvier 2022 ».
D’autres militent pour mettre l’accent sur les jeunes, très touchés par la double crise sanitaire et économique, alors que le gouvernement réfléchit à mettre 2 milliards d’euros sur la table pour une extension de la garantie jeunes . « La réforme des retraites a été un incompris entre les Français et Emmanuel Macron. Il faut faire attention à la façon dont on remet le sujet sur la table car on aura besoin d’un maximum de consensus en 2022 s’il faut faire barrage à Marine Le Pen au second tour », estime de son côté le député LREM de Paris, Pierre Person.
Sur le plan politique, les inquiétudes sont fortes également. « Aujourd’hui les gauches sont plus que jamais irréconciliables. Il ne faut pas les coaliser contre nous à six mois de la présidentielle », note un poids lourd de la majorité.
Avant même que le dossier ne soit officiellement relancé, les opposants à la réforme de 2019-2020 donnent déjà de la voix. « La CGT est extrêmement vigilante et ne souhaite pas, évidemment, qu’on remette sur la table des ajustements que paieraient les actifs ou les retraités », a déclaré la semaine dernière Catherine Perret, la secrétaire confédérale de la CGT chargée des retraites et de la protection sociale. Pour elle, la réforme systémique est « morte et enterrée ».
Vrai dilemme
Le dossier des retraites est un vrai dilemme pour Emmanuel Macron. En 2016, à un an de la présidentielle, la mobilisation contre la loi travail portée par Myriam El Khomri avait fortement fragilisé son prédécesseur, François Hollande, et avait contribué à l’empêcher de briguer un nouveau mandat.
Mais le chef de l’Etat n’oublie pas non plus qu’il a été élu pour réformer et qu’il est attendu sur ce point. « Ce serait aussi risqué pour lui de ne rien faire avant l’échéance présidentielle de 2022. Il est obligé de prendre son risque et d’arriver à la fin de son quinquennat avec une grande réforme », note un conseiller de l’exécutif.