Jusqu’à présent, on s’est beaucoup focalisé sur les conséquences de la crise sanitaire sur l’emploi. Et pour cause : le chômage a flambé au printemps et la rentrée va apporter son lot de restructurations et faillites. Mais le coronavirus devrait aussi peser sur les salaires. C’est ce que montre l’édition 2020 du baromètre de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), publiée ce mercredi, pour ce qui concerne l’encadrement.
Baisse du salaire médian en perspective
L’Apec prend garde à ne pas sonner le tocsin. Mais la perspective d’une baisse du salaire médian des cadres en 2020 – qui serait une première, en tout cas depuis 2009 – est bel et bien inscrite en filigrane dans son étude. « Alors que l’on assistait depuis plusieurs années à une hausse constante du salaire des cadres, plusieurs phénomènes vont remettre en question cette dynamique », souligne le directeur général de l’Apec, Gilles Gateau. Le premier est l’impact de la crise sur les composantes variables de la rémunération, avec deux populations particulièrement concernées par leur baisse attendue : les commerciaux plus nombreux que les autres à bénéficier d’une part variable et les salariés de grandes entreprises mieux servis d’ordinaire en épargne salariale.
Les trajectoires de carrière des cadres vont aussi être impactées. D’une part, aux générations bénies entrées sur le marché du travail à la fin des années 2010 et qui ont bénéficié d’un coup de pouce salarial – 62 % des moins de 30 ans ont été augmentés en 2019 -, succèdent des générations heurtées de plein fouet par la crise qui va plomber leur début de carrière. D’autre part, la crise va mettre un coup d’arrêt à la mobilité externe, ces changements d’entreprise, source de ressaut salarial. Enfin, l’augmentation du chômage va aussi peser. Tout cela alors même que les entreprises devraient donner un tour de vis à leurs politiques salariales.
Retournement de tendance
Ces sombres perspectives devraient marquer un retournement de tendance . Après deux années très dynamiques, en 2017 et 2018, le salaire médian s’est « stabilisé à 50.000 euros » à la fin de l’an dernier (fixe + variable), note l’étude réalisée à partir du dépouillement de 16.000 questionnaires individuels. La rémunération moyenne a, elle, progressé de 2,5 % en 2019 pour atteindre 57.100 euros. Un seul secteur – banque assurance et immobilier – a connu une baisse de sa rémunération médiane, après cependant une forte progression les deux années précédentes. Le secteur des équipements électriques et électroniques est celui qui a connu la plus forte progression (+5,8 %), suivi par les industries chimiques à +4,4 %. Si bien que la progression globale de l’industrie a talonné celle des services, premier secteur employeur de cadres (+1,9 % contre +2,1 %).
Sans doute l’entrée en vigueur de l’index d’égalité a-t-elle joué aussi : alors que les femmes ont vu leur rémunération médiane stagner en 2017 et 2018, 2019 a été marquée par un « effet de rattrapage », avec une hausse du salaire moyen féminin de 4,7 % contre 1,7 % pour les hommes, note l’Apec. Avec la crise, « les entreprises devront être vigilantes à ne pas ralentir le rythme – encore trop lent – de réduction des inégalités entre femmes et hommes. C’est un vrai risque », alerte Gilles Gateau.