Un plan d’investissement massif
Emmanuel Macron l’avait promis, le 25 mars à Mulhouse ; le ministre de la Santé Olivier Véran a déroulé le programme ce mardi lors de la conclusion des accords de Ségur : le plan d’investissement pour l’hôpital sera massif, avec 19 milliards d’euros à la clé (dont 10 milliards de reprise de dette et 3 milliards de frais financiers économisés). Cela permettra aux établissements de dégager des capacités d’investissement. Le versement des deux premières années de reprise de dette ne se fera cependant que fin 2021.
Reste 6 milliards d’euros de cash pour les établissements publics, privés et les Ehpad. Cette enveloppe qui sera votée dans le budget de la Sécurité sociale pour 2021 sera distillée en cinq ans, avec un apport annuel de 260 millions supplémentaires. Sur ce total, 2,1 milliards seront fléchés vers le médico-social. Au moins le quart des places en Ehpad seront ainsi rénovées. Ces établissements seront équipés en rails de transfert, capteurs de détection de chute, équipements numériques, etc. Un autre volet de 2,5 milliards d’euros sera fléché vers les projets hospitaliers prioritaires et les investissements « ville-hôpital », « pour casser ces silos ». Enfin, il y aura 1,4 milliard d’euros pour rattraper le retard national dans le numérique en santé, sur trois ans.
La fin du Copermo
Le Copermo, ce comité national qui a la haute main sur les décisions d’investissement à l’hôpital, va être remplacé par un conseil national de l’investissement en santé, incluant des élus locaux. Il devra établir les priorités d’investissement en concertation avec les acteurs de terrain, accompagner les projets, répartir les enveloppes, mais uniquement pour les projets exclusivement financés sur fonds publics, ou supérieurs à 100 millions d’euros. Olivier Véran a parlé de « déconcentrer la gestion des investissements ». Les élus locaux seront associés à l’appréciation des besoins en santé. Une concertation aura lieu à l’automne afin de redonner le pouvoir aux territoires en matière d’investissement.
Tarifs et Ondam
L’augmentation des tarifs hospitaliers « va se poursuivre dans les années à venir ». Des expérimentations seront menées dans les territoires afin de faire évoluer la rémunération des activités hospitalières de médecine vers un modèle mixte, avec un socle de dotation lié aux caractéristiques de la population du territoire, plus la prise en compte de l’activité et de la qualité des soins. Cette expérimentation sera votée dans le prochain budget de la Sécurité sociale.
La réforme du financement des urgences, de la psychiatrie, du SSR, des hôpitaux de proximité, déjà votée, sera bien effective en 2021. La mise en place de nouveaux modèles de financement se poursuivra en 2022 avec les soins critiques, des forfaits maternité et pathologies chroniques.
Par ailleurs, conscient des limites de l’outil Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance-maladie), Olivier Véran a demandé au Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance-maladie de lui faire des propositions de refonte, pour une mise en oeuvre en 2022.
4.000 lits « à la demande »
Olivier Véran a annoncé l’ouverture ou la réouverture de 4.000 lits de médecine « à la demande » dans les structures hospitalières, « en fonction des besoins », pour faire face à la grippe saisonnière ou à d’autres pics d’activité. Il ne s’agit pas d’un plan national d’ouverture systématique de lits, mais bien d’une souplesse accordée aux établissements. Une enveloppe de 50 millions d’euros sera débloquée auprès du Fonds d’intervention régional cet hiver.
Une gouvernance remédicalisée et assouplie
Côté gouvernance hospitalière , les excès de la loi Bachelot de 2009 « seront corrigés », a expliqué Olivier Véran en annonçant une « remédicalisation de la gouvernance » et des délégations de gestion aux services et aux pôles. La nomination des chefs de service se fera après un appel à candidature, chaque candidat devant défendre son projet devant l’ensemble du service. Paramédicaux et usagers seront invités à participer à la gouvernance, « en fonction des situations locales spécifiques ».
Par ailleurs, les établissements auront un droit d’option pour s’organiser librement : créer ou non un pôle, se regrouper, choisir qui préside les instances… Cela nécessite d’adapter les règles du code de la santé publique. Une mesure législative est prévue « fin 2020-début 2021 ».
Le régime des autorisations des activités de soin va être simplifié par ordonnance, avec dans certains cas des renouvellements tacites. Les outils de reporting seront moins nombreux. La procédure administrative pour réaliser des études cliniques sera allégée.
Sus aux inégalités de santé
Chaque région va être dotée d’une gouvernance stratégique de réduction des inégalités, associant usagers, élus, associations, experts. Les démarches « aller vers » comparables à celles qui ont vu le jour pour dépister le Covid-19 en région parisienne vont se développer via les agences régionales de santé. Le fonds d’intervention régional sera renforcé pour cibler les travailleurs pauvres dans une logique de prévention. Pour accompagner les SDF sur le plan sanitaire et social, 500 nouveaux lits « haltes soin santé » seront ouverts d’ici 2022. Le gouvernement prévoit aussi de créer 60 centres de santé « participatifs » adaptés aux populations des territoires défavorisés.