La crise due au coronavirus devrait faire chuter le PIB français d’”au moins 8%” cette année en fonction de la durée de “l’acte II” du déconfinement jusqu’à la reprise complète, a indiqué le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, dans un entretien au Journal du dimanche. Pour rappel, le gouvernement table actuellement sur une chute de 8%.
“Si nous gérons bien la suite, le choc peut rester temporaire”, a-t-il ajouté en rappelant que le Fonds Monétaire International (FMI) prévoit que la France pourrait retrouver l’an prochain une croissance forte à +4,5%.
“Nous ne passerons (…) pas d’un coup à une reprise normale” avec le déconfinement à partir du 11 mai, anticipe-t-il : “Ce sera un acte II, où il faudra faire grandir en même temps la confiance sanitaire et la confiance économique, pour les entrepreneurs comme pour les salariés”, a indiqué François Villeroy de Galhau. Problème, personne ne sait combien de temps durera cette étape. “Nous ne connaissons pas encore la durée de l’acte II jusqu’à la reprise complète”, a-t-il précisé.
Le rôle protecteur de l’Etat devrait diminuer
Pour lui, l’Etat “joue un rôle d’amortisseur majeur”, face à la crise: “L’intervention publique massive a absorbé au moins les deux tiers du choc, et réduit d’autant son impact pour les ménages et les entreprises”, a-t-il fait valoir.
“Son rôle protecteur devrait diminuer au fur et à mesure de la reprise dans les différents secteurs”, prévoit-il, “d’autant que, bien sûr, cet amortisseur collectif devra être payé dans le futur”.
55 milliards d’euros de demandes de prêts garantis par l’Etat
Selon lui, les banques ont enregistré à ce jour 290.000 demandes de prêts garantis par l’Etat pour un montant de 55 milliards d’euros.
“Le succès s’amplifie : on est à 20.000 demandes supplémentaires par jour. Les bénéficiaires des prêts garantis sont surtout des TPE de moins de 10 salariés, qui représentent près de 90% des décisions et plus de la moitié des montants”, a précisé François Villeroy de Galhau.
A la question “est-ce que les banques jouent le jeu?”, il a assuré que “globalement, elles font leur travail”.
“A l’avenir, il faudra voir si toutes les entreprises retrouvent la capacité financière pour rembourser leur prêt”, a ajouté le gouverneur de la Banque de France.
“On pourrait envisager, au cas par cas, notamment pour les secteurs les plus durablement touchés, que les reports de charges fiscales et sociales deviennent des abandons, voire imaginer des apports en quasi-fonds propres”, a-t-il évoqué : “Mais il faudra être pragmatique et sélectif car il s’agit d’argent public”.
Dette publique à 115% du PIB
“La France va sortir de ce choc avec une dette publique accrue d’au moins 15 points de PIB, à 115%. Dans la durée, il faudra rembourser cet argent”, a insisté le gouverneur. “Il faudra viser une gestion plus efficace, d’autant que les Français ne souhaitent pas payer plus d’impôts”, a-t-il prévenu
En attendant, “il est trop tôt pour (…) dire” si les 110 milliards mobilisés par l’Etat pour soutenir l’économie suffiront.
Une relance de la consommation est envisageable, étant donné que de nombreux Français dépensent moins que ce qu’ils gagnent avec le confinement. Cette différence “devrait être demain un réservoir d’achats, et donc de croissance” pour peu qu’ils soient “rassurés sur le plan sanitaire”, selon lui.
Fonds de relance européen
Pour accélérer la reprise, François Villeroy de Galhau a rappelé que l’un des accélérateurs de croissance passerait par des programmes d’investissement public européens.
“Cela permettrait d’augmenter nos capacités de production et de renouer avec nos priorités de long terme comme la lutte contre le réchauffement climatique (…). Pour la reprise, le principe d’un fonds de relance proposé par la France est acté : restera à déterminer son montant et son financement”.
La BCE pourra faire plus si besoin
Alors que la Banque centrale européenne (BCE) a déjà décidé d’apporter 4.000 milliards d’euros de liquidités cette année pour aider l’économie européenne à tenir le choc, elle pourrait prendre des mesures supplémentaires pour faire en sorte que l’inflation dans la zone euro soit conforme à son mandat (…).
“Pour l’avenir, l’inflation restant au-dessous de notre cible de 2%, nous devrions maintenir des taux très bas et des liquidités très abondantes. Et s’il fallait faire plus pour remplir le mandat de stabilité des prix confié par les traités, en toute indépendance, alors nous le ferons”, a déclaré celui qui est également membre du conseil des gouverneurs de la BCE.