Ne pas laisser le lobby du tabac monopoliser l’attention quand il s’agit de trafic et de contrefaçon. Le Comité national de lutte contre le tabagisme (CNCT) publie ce mardi une note qui démonte l’argumentaire des industriels sur l’envolée du marché parallèle, qui découlerait d’une fiscalité trop lourde . Il allume ce contre-feu quelques jours avant la parution du rapport annuel de KPMG sur le trafic illégal de cigarettes, commandité par le cigarettier Philip Morris International.
« Nous ne cherchons pas à nier la réalité du marché parallèle, mais à anticiper et neutraliser la communication qui a lieu tous les ans autour de ce rapport, qui sert de levier de communication auprès des élus », explique le porte-parole du CNCT, François Topart.
Incohérences statistiques
En 2021, une mission de l’Assemblée nationale a évalué ce marché parallèle entre 14 et 17 % des ventes en France, « deux fois moins que KPMG », rappelle-t-il, en accusant l’industrie d’entretenir une « confusion sémantique » entre ventes légales hors réseau des buralistes et commerce illicite (contrefaçon et contrebande, 25 % du marché parallèle). La contrefaçon véritable ne pèserait que 0,2 % du marché national, selon une étude Seita-Imperial Brands.
Le CNCT s’indigne du précédent rapport KPMG, dans lequel la France est désignée comme « le plus grand marché de l’Union à 27 pour le trafic illégal de cigarettes » en 2020 , avec « une hausse sans précédent de 5,1 milliards [de cigarettes à l’unité, NDLR] ou 609 % de la contrefaçon » en un an.
« De tels chiffres impliqueraient l’achat et la consommation de près de 300 millions de paquets de tabac par an en France, soit environ 30 paquets par fumeur », une gageure logistique, réplique le CNCT. De plus, cette hausse « induirait une mutation extrêmement rapide des modes de consommation », qui n’a pas été mise en évidence par Santé publique France.
Des quotas d’approvisionnement par pays
Passant à l’attaque, l’association anti-tabac affirme que les deux-tiers de la contrebande mondiale seraient dus aux fabricants eux-mêmes, qui sur-approvisionnent certains pays servant de plaque tournante. Ainsi, 552 cigarettes par habitant ont été livrées en France en 2019, contre 5.287 au Luxembourg. « Un tel chiffre supposerait que chaque Luxembourgeois, enfant comme adulte, consomme plus de 14 cigarettes par jour », ironise le CNCT.
Pour lutter contre le trafic illicite, l’association appelle à mettre en place une traçabilité indépendante des produits, des quotas d’approvisionnement par pays, et à limiter les achats à l’étranger à trois paquets par personne.