Tensions entre l’exécutif et les partenaires sociaux sur la formation des travailleurs sans diplôme

Les partenaires sociaux, principalement la CFDT, reprochent aux pouvoirs publics d'avoir lâché leur certification CléA aux compétences de base. Le ministère du Travail dément.


Male warehouse worker pulling a pallet truck.

« Les partenaires sociaux […] constatent malheureusement que la politique d’accès de tous aux compétences de base a été désinvestie par les pouvoirs publics. » Même si la critique n’a pas fait beaucoup de bruit, syndicats et patronat n’y sont pas allés de main morte, il y a quelques jours, en pointant du doigt sans détour la responsabilité du gouvernement, du ministère du Travail précisément, sur un sujet sensible : la reconnaissance des compétences des actifs, salariés ou chômeurs, sans diplôme.

L’objet de la prise de position concerne CléA, un dispositif un peu unique dans l’univers de la formation continue. Conçu entièrement par les syndicats et le patronat au niveau interprofessionnel et donc reconnu nationalement, ce dispositif donne accès, après évaluation préalable et formation en cinq ans maximum, à un socle de connaissances de base – écriture, calcul, numérique… – consacré par la certification éponyme.

Plus de 44.000 certifications

Lancé en novembre 2015, CléA a été délivré plus de 44.000 fois, permettant souvent à ceux qui sont allés au bout de passer un concours ou de changer de métier. Las, pour les partenaires sociaux – la CFDT principalement car c’est elle qui tient la boutique – le compte n’y est pas, ou plus. En témoignent la baisse du nombre de candidats depuis 2019, la crise du Covid n’ayant rien arrangé, malgré une certaine remontée en fin d’année dernière.

Philippe Debruyne, secrétaire confédéral du syndicat en charge de la formation professionnelle, pointe la réforme de Pénicaud de 2018 qui a coupé les financements. « Nous avons dû nous battre pour recréer des leviers que la loi a sabrés », a-t-il déclaré lors d’un point de presse. A l’en croire, les pouvoirs publics ont trop misé sur l’application CPF , alors même que les publics visés ne sont pas à l’aise avec le numérique.

Le ministère du Travail n’a pas, ajoute-t-il, traduit dans les faits un certain nombre d’avancées qui auraient pu donner un coup de fouet à CléA, comme celle qui le rend éligible au dispositif de reconversion par alternance Pro-A. Conséquence, le modèle financier qui permet de financer les certifications est menacé. « Si l’Etat abandonne, alors on ne pourra pas être plus royaliste que le roi », a-t-il déclaré.

Trop complexe ?

Surpris par cette mise en cause, l’entourage de la ministre du Travail, Elisabeth Borne, dément tout désintérêt de l’Etat pour CléA, la preuve en étant, par exemple, que le dispositif peut être financé via les déclinaisons régionales du plan d’investissement dans les compétences. L’objectif, au contraire, est bien de passer à la vitesse supérieure en regardant de près les propositions des partenaires sociaux.

Certains spécialistes renvoient la balle dans le camp des partenaires sociaux eux-mêmes, pour ne pas avoir suffisamment promu CléA : ce sont eux, après tout, qui sont aux manettes des branches professionnelles ou des opérateurs de compétences Opco, font-ils remarquer. D’autres mettent aussi en avant la complexité du dispositif, ce que Philippe Debruyne réfute.


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