Désireux d’étendre l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » au-delà des 60 prévus mais pas trop ni trop vite, le gouvernement a lâché du lest ce mercredi pour tenir compte des critiques de l’opposition et d’une partie de la majorité. « Nous partageons l’objectif que l’on ne se retrouve pas avec un territoire dans lequel les acteurs locaux, les élus, se seraient mobilisés, qui aurait un projet conforme au cahier des charges […] et qui ne pourrait par être retenu au prétexte qu’il est le 61e », a déclaré la ministre du Travail, Elisabeth Borne, devant les députés réunis en séance, renvoyant la solution à un amendement au Sénat ou en deuxième lecture à l’Assemblée.
La mouture initiale de la proposition de loi prévoyait de passer à 40 territoires, 30 de plus que les 10 retenus lors de la première phase, issue de la loi de 2016 . Très insuffisant pour l’association TZCLD et de nombreux députés, qui ont amené le gouvernement – pressé par l’élue LREM du Tarn et rapporteure du texte, Marie-Christine Verdier-Jouclas – à porter la jauge à 60. Soit 50 supplémentaires. Sans oublier l’Outre-Mer, très demandeur de rejoindre le projet.
« Cinquante nouveaux territoires […] c’est un nombre et une durée adaptés car le temps est aujourd’hui à l’évaluation et à l’optimisation », plaidait Elisabeth Borne mardi en début d’examen du texte, appelant à ne pas basculer dans une généralisation avant que tous les enseignements ne soient tirés . Pour rappel, l’initiative consiste à transformer les prestations sociales en revenus d’activité. Elle a permis l’embauche en CDI d’un millier de personnes. Un peu plus de 120 territoires (couvrant entre 10.000 et 15.000 habitants chacun) sont dans les starting blocs.
Virage sur l’aile
La multiplication par six du nombre de territoires n’a pas éteint les critiques, à droite comme à gauche. « Cette forme de numerus clausus nie le droit à l’expérimentation », a rétorqué le député LR Stéphane Viry. Pour le communiste Jean-Paul Dufrègne, ce seuil ne pourra que « nourrir des frustrations » auprès de tous ceux qui ne seraient pas retenus. Transfuge de la majorité, Aurélien Taché (Ecologie démocratie solidarité) n’a pas mâché ses mots sur le plafond proposé. Deux raisons, selon lui, expliquent la volonté du gouvernement de ne pas lâcher les vannes : éviter que la facture ne s’envole et conforter le service public de l’emploi, inquiet que l’aide aux chômeurs de longue durée passe dans le giron associatif.
Les critiques ne retombant pas et l’heure avançant mardi dans la nuit, Elisabeth Borne a opéré un virage sur l’aile. « Si des territoires sont prêts dans les deux ou trois ans, on saura aller plus loin », a-t-elle déclaré, à la surprise générale. Et de proposer, selon les dires de certains députés, une « clause de revoyure » en aparté lors d’une suspension de séance.
Poussée, lors de la reprise des débats ce mercredi, à confirmer et préciser publiquement son engagement de la veille, la ministre du Travail a réitéré son souhait de travailler en ce sens. Sous quelle forme ? « Nous n’avons pas la réponse aujourd’hui », a-t-elle déclaré, assurant que l’objectif est bien d’éviter un « guichet qui se ferme un beau matin parce qu’on aurait 60 territoires ».
Résultat, un vote à l’unanimité de l’ensemble de la proposition de loi, dont le nombre de territoires supplémentaires n’était qu’un des éléments – mais le plus clivant – parmi un ensemble d’autres dispositions relatives à l’insertion.