Transition écologique : la question d’un « ISF vert » revient en débat

Le rapport sur la fiscalité du patrimoine des députés Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, suggère la création d'un ISF temporaire au niveau européen pour financer la lutte contre le réchauffement climatique. Il plaide aussi pour une hausse de la « flat tax ». De quoi hérisser le gouvernement hostile à toute hausse d'impôt.


A la veille de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, un pavé vient d’atterrir ce mardi dans la mare budgétaire. Le rapport sur la fiscalité du patrimoine remis par le chef de file des députés Modem, Jean-Paul Mattei, et son collègue communiste Nicolas Sansu contient plusieurs propositions sensibles.

Les deux parlementaires suggèrent notamment de créer un impôt temporaire sur le patrimoine des plus aisés, à l’échelle européenne, pour financer la transition écologique. Ils recommandent aussi d’augmenter la « flat tax » sur les revenus du capital, de 30 % à 33 %, et prônent une refonte de la fiscalité des holdings ou des successions. De quoi hérisser le gouvernement, résolu à tenir sa promesse de ne pas augmenter les impôts.

Des inégalités en hausse

En préambule du rapport, Nicolas Sansu cite une tribune (signée Antoine Foucher) » : « Le travail ne paie plus et l’héritage est devenu la principale composante de la richesse des ménages. Progressivement, nous avons basculé d’une société du mérite à une société de rentiers. »

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Le rapport des députés s’ouvre sur un constat similaire. En France, 92 % du patrimoine est détenu par la moitié des ménages les plus favorisés. Un tiers de ces actifs appartient même aux 5 % de Français les mieux dotés. Et les inégalités en la matière progressent. « Si cette croissance reste modérée en comparaison d’autres pays développés, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, pointe Jean-Paul Mattei, elle doit toutefois nous conduire à nous interroger sur ses raisons et proposer des solutions. »

Le député Modem se défend de toute velléité de « grand soir fiscal », mais il n’a pas peur de mettre les pieds dans le plat. Déjà l’an dernier, le même Jean-Paul Mattei avait porté un amendement sur la taxation des « superdividendes » – adopté contre l’avis du gouvernement avant d’être écarté, à la faveur de l’adoption avec l’article 49.3 de la Constitution, de la loi de finances.

Cette année, le turbulent centriste ne remettra pas le sujet sur le tapis. Mais il compte bien continuer de faire valoir ses divergences fiscales avec l’exécutif.

Le retour d’un « ISF vert »

« La cohérence d’ensemble de la réforme de la fiscalité du capital appliquée depuis 2018 n’interdit pas d’y apporter des ajustements ou d’en proposer le dépassement », écrivent les auteurs du rapport. Selon eux, la suppression de l’ISF et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (« flat tax ») sur les revenus du capital gagneraient à être revues et corrigées.

A côté d’une hausse de la « flat tax », la piste la plus polémique est sans doute celle de la création d’un nouvel impôt sur les gros patrimoines pour financer la transition écologique. C’est le retour d’un « ISF vert », tel que préconisé par le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz en mai dernier, et rapidement écarté par le gouvernement. « Un prélèvement de 5 % étalé sur trente années, assis sur l’actif financier net des 10 % les mieux dotés (3.000 milliards d’euros), procurerait 150 milliards d’euros, soit 5 points de PIB », insistent les députés.

Qui ajoutent toutefois un élément important : cette démarche devrait se faire au niveau européen, afin de ne pas créer un décalage par rapport aux autres pays. Ce qui écarte a priori la menace pour l’exécutif d’un amendement dès le PLF 2024. En outre, le gouvernement s’est dit récemment ouvert à une initiative internationale pour une imposition minimale des plus riches, à l’instar de ce qui a été fait pour les entreprises. Un chantier incertain et de long terme.

Propositions chocs pour l’immobilier

Le rapport propose par ailleurs d’augmenter significativement les frais applicables aux remontées de dividendes dans les holdings. Cette mesure technique vise à s’attaquer au problème de la dégressivité de l’impôt tout en haut de l’échelle des revenus. Celle-ci était crûment mise en avant dans une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) en juin dernier. Les chercheurs y pointaient que les milliardaires sont proportionnellement moins imposés, du fait de l’importance des bénéfices non distribués dans leurs revenus.

Parmi les 27 propositions du rapport Mattei-Sansu, plusieurs visent aussi le régime des transmissions successions. Les parlementaires veulent mieux encadrer le pacte Dutreil, réduire les différences de traitement fiscal entre enfants au sein des familles recomposées ou encore aligner la fiscalité de l’assurance-vie sur celle des successions en ligne directe.

Les députés font également des propositions chocs concernant l’immobilier. Ils recommandent de supprimer progressivement mais intégralement l’avantage fiscal accordé aux loueurs Airbnb. Ils prônent la fin de l’exonération d’impôt sur les plus-values foncières après trente ans – avec un délai de prévenance. Enfin, ils veulent défalquer des droits de mutation (les fameux « frais de notaires ») à la revente ceux payés lors d’un premier achat. Alors que le secteur de l’immobilier affronte une crise inédite et que l’Etat se refuse jusqu’à présent à ouvrir les vannes budgétaires pour le soutenir, le rapport Mattei-Sansu promet d’alimenter les débats à l’Assemblée.


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