Très inquiètes il y a une semaine, les organisations patronales appréhendent un peu moins les prochains arbitrages du gouvernement sur le travail détaché. Le sujet fait partie de la deuxième ronde de concertations sur l’emploi cette semaine, au côté du plan jeunes et du partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise. « Ils ont levé le pied. Ils ne vont pas interdire aux entreprises qui recourent à l’activité partielle de droit commun ou à celles qui envisagent de recourir à l’activité partielle de longue durée de faire appel aux travailleurs détachés », confirme le représentant d’une grande branche professionnelle. « Nous surveillons cela comme le lait sur le feu pour éviter que cela ne dérape pas », ajoute un autre.
Trois secteurs dans le collimateur
Après des jours d’échanges nourris et tendus, tout s’est joué dans les quarante-huit heures précédant la dernière réunion d’Emmanuel Macron, le 24 juin dernier, avec les partenaires sociaux, principalement consacrée au chômage partiel. Pas question d’interdire le travail détaché, a insisté la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, pour qui cela serait une « régression » pour des millions d’Européens dont les Français, nombreux, qui traversent aussi les frontières. Pour rappel, près de 250.000 travailleurs étrangers ont été détachés en France en 2018.
Pas question non plus de rendre incompatibles aides publiques et recours à la main-d’oeuvre étrangère. En lieu et place, il faut, a-t-elle ajouté, « encourager » les employeurs à privilégier la formation des salariés dont l’activité continue en cas de recours au chômage partiel ou de plan social.
Autre préconisation : lancer « un dialogueavec les filières professionnelles les plus concernées pour identifier les métiers concernés et mettre au point des actions de substitution au niveau des branches ». « Comme si nous avions attendu le gouvernement pour le faire », raille le représentant de l’une d’entre elles. Trois secteurs sont particulièrement visés : le BTP, l’agriculture et l’industrie. Dans chacun d’eux, le ministère du Travail cherche à cibler les entreprises qui ont bâti l’organisation de leur main-d’oeuvre sur le travail détaché.
« Faire peur »
S’il a lâché du lest sur les aides publiques, l’exécutif reste ferme en revanche sur sa volonté de traquer les fraudeurs via un renforcement des contrôles, quitte à faire travailler ensemble inspection du travail, Urssaf et mutualité agricole. Le barème des amendes va probablement être revu à la hausse. Ceux qui oublient de payer ou les multirécidivistes ne pourront plus envoyer personne en France. Des fermetures de chantiers immédiates pourront être prononcées. « Ils veulent faire peur » à ceux qui ne respectent pas les règles, confirme-t-on, toujours de source patronale.
Reste la volonté d’agir au niveau européen. Une fois élu, Emmanuel Macron a arraché une révision de la directive sur la table à Bruxelles afin de faire appliquer la règle « à travail égal salaire égal », pour une application à compter de cette année. Une étape supplémentaire serait encore nécessaire pour qu’à travail égal, le coût du travail soit le même, puisque les cotisations sociales restent payées dans le pays de détachement. Reste à savoir si l’Allemagne, qui prend la présidence de l’Union, va appuyer cette demande récurrente de la France.