« Tout le monde était d’accord là-dessus. Personne ne voulait d’un tiers statut entre salariat et travail indépendant, ni les plateformes, ni les travailleurs, ni les experts… », résume un représentant de l’exécutif. L’enterrement de cette « fausse bonne idée » par le rapport remis ce mercredi matin par l’ancien magistrat Jean-Yves Frouin au Premier ministre, Jean Castex, sur la régulation des plateformes numériques de travail arrive à point nommé pour l’exécutif qui souhaitait abandonner cette piste, évoquée par la Cour de cassation et le gouvernement précédent .
Pas de dispositif clefs en main
Il en va autrement pour la proposition alternative formulée par Jean-Yves Frouin d’un « tiers sécurisateur » qui salarierait les travailleurs de plateformes . En arrivant à Matignon, Jean Castex a revendiqué un changement de méthode fondé sur « le dialogue, l’écoute, la recherche du compromis ». Pas question, donc, de sortir un dispositif clefs en main qui ne fait pas consensus. « On s’interdit d’avoir d’entrée de jeu trop d’idées arrêtées, ce rapport est une brique utile, mais pas exclusive », explique-t-on dans l’entourage de la ministre du Travail, Elisabeth Borne.
Il « va désormais être transmis aux partenaires sociaux et sera un des éléments qui permettra de nourrir la concertation dans le cadre de l’agenda social », précise Matignon dans un communiqué diffusé ce mercredi en début d’après-midi, qui précise que « Jean-Yves Frouin le présentera à l’ouverture de cette concertation », d’ici fin décembre.
Dialogue sectoriel
Le ministère du Travail va lancer deux chantiers en parallèle. Le premier, qui concerne la construction d’un socle de droits sociaux va être engagé d’ici « une à deux semaines ». Il constitue le troisième volet de la réflexion engagée sur « les formes particulières d’emploi », avec les salariés de deuxième ligne et le travail détaché . Il pourrait éventuellement se traduire par des mesures qui seraient inscrites l’année prochaine dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Le ministère a « quatre mois utiles » pour boucler le second chantier sur lequel il va aussi lancer une concertation : il s’agit de celui de la représentation des travailleurs de plateforme et au-delà des modalités d’un dialogue social spécifique. Le gouvernement a été autorisé par la loi d’orientation des mobilités à légiférer par ordonnance au plus tard en avril sur le sujet. C’est ce qui a été à l’origine de la mission confiée à Jean-Yves Frouin dont l’objet a été ensuite élargi.
L’enjeu du champ de la négociation
Dans son rapport, l’ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation plaide pour établir un dialogue au niveau du secteur, « niveau le plus pertinent […] sur lequel tout le monde s’accorde, s’agissant à tout le moins des organisations ayant vocation à représenter les travailleurs », là où les plateformes auraient souhaité un dialogue à leur seul niveau. Concernant la désignation des représentants des salariés en charge de ce dialogue, Jean-Yves Frouin préconise un « système d’élection » et non d’adhésion. Mais avec un scrutin par plateforme, pas au niveau national pour éviter un taux d’abstention record comme pour les salariés de très petites entreprises.
Si le rapport évoque une éventuelle expérimentation du passage par des contrats collectifs de droit civil, ce qui ne manquera pas de faire polémique, il propose l’instauration d’une véritable négociation collective qui constitue « la forme la plus adaptée pour permettre un dialogue constructif et équilibré », et dont l’un des enjeux sera la définition du champ.