Olivier Véran s’est engagé à suivre l’avis des scientifiques. Qui sont rarement unanimes. Ce mardi, le ministre de la Santé a décidé d’aller contre l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS), et de se fier à Alain Fischer, qui préside le Comité d’orientation de la stratégie vaccinale.
La HAS avait considéré comme une « option raisonnable » samedi de faire passer de 3-4 semaines à 6 semaines le délai avant d’administrer la deuxième dose du vaccin Pfizer/BioNTech ou Moderna contre le Covid. « Je fais le choix de la sécurité des données validées […], nous ne toucherons pas aux délais d’injection du vaccin Pfizer », a réagi Olivier Véran lors d’une conférence de presse, non sans avoir remercié la HAS pour son « apport considérable à la gestion de crise ».
La Haute Autorité – qui s’était autosaisie – a produit des simulations montrant que cet espacement des doses, s’il était appliqué très vite, permettrait d’injecter la première piqûre à 700.000 personnes supplémentaires en février. Une chance dans un contexte de course de vitesse entre la vaccination et les nouveaux variants plus contagieux. Plusieurs études ont montré que ces vaccins offraient déjà un bon niveau de protection une douzaine de jours après la première dose.
Une protection qui risque d’être insuffisante
Mais cette stratégie, documentée par une méta-analyse des publications scientifiques, « n’est pas dénuée de tout risque », a expliqué Olivier Véran, avant de laisser le professeur Fischer en faire la démonstration. Selon les données remontées par les Israéliens (très avancés sur la vaccination), la protection contre la maladie entre les deux doses ne serait que de 33 %, « une déception » car « c’était 50 % dans les essais cliniques ».
Peut-être cet écart s’explique-t-il par le fait que les premiers publics vaccinés sont plus âgés que la moyenne testée lors des essais cliniques, a suggéré l’immunologue. De manière générale, a-t-il insisté, on en sait trop peu pour prendre des risques.
Seuls le Royaume-Uni, le Québec et le Danemark ont passé outre ces inconnues pour tenter l’aventure. En revanche, nos voisins allemands, espagnols ou italiens y ont renoncé, a souligné Olivier Véran.
Alain Fischer a également relativisé l’avantage procuré par un espacement des doses. On pourra vacciner plus de monde tout de suite, mais on ne fait que repousser le problème dans un contexte de rationnement, a indiqué le scientifique : fin mars ou début avril, le nombre total de personnes protégées sera le même, puisqu’il faudra bien inoculer le rappel sous 42 jours.
Préserver le calendrier
A cela s’ajoutent les inévitables « incompréhensions » que soulèverait la modification du calendrier vaccinal, estime Alain Fischer. Effectivement, les Ehpad s’étaient déjà opposés avec succès au passage de 3 à 4 semaines de l’intervalle entre deux doses, retenu pour les centres de vaccination grand public.
Pas question de rappeler « plus d’un million de personnes pour leur dire de venir deux ou trois semaines plus tard », s’est exclamé Olivier Véran. Au gouvernement, on n’a pas oublié le tollé public du début de l’année sur le retard français, qui a contraint à élargir précipitamment la cible vaccinale, ni le chaos de l’ouverture des réservations dans les centres vaccinaux, monté en épingle par certains élus locaux.
Enfin, mieux vaut être prudent, sachant que les schémas vaccinaux ne sont jamais respectés à 100 %. Des consultations sautent, des ratés se produisent, qui risqueraient d’allonger à « six, sept semaines, voire plus » l’intervalle entre les deux doses, a prévenu Alain Fischer. « Plus le délai sera long, plus le risque est grand que les gens oublient leur rendez-vous », a renchéri Olivier Véran.